«Adieu Ssi Abderrahman». Derrière ces trois mots, le quotidien Al Ahdath Al Maghrebia consacre tout un numéro spécial, pour son édition du week-end, au dernier Premier ministre de Hassan II, décédé vendredi à Casablanca à l’âge de 96 ans.
Au moment où il a été transporté à l’hôpital, après un malaise, nous avons tous commencé à prier pour que son cœur tienne le coup, au moins jusqu’à la fin du confinement pour que le peuple marocain puisse lui consacrer des adieux qui soient à la hauteur de l’homme qu’il était et des sacrifices qu’il a consentis pour son pays, écrit en substance l’éditeur du journal.
Au long des dix pages de ce dossier, le quotidien est revenu sur presque un siècle de vie d’un homme exceptionnel. Un homme qui a su gagner l’estime, la sympathie de tout le monde, mais aussi et surtout la confiance des deux rois. Un militant au rang d’un homme d’Etat.
Pour le côté anecdotique, c’est aussi l’un des premiers supporters de l’équipe de football de Hay Mohammadi, à Casablanca (le TAS).
Youssoufi, poursuit le quotidien, était à la fois un résistant, un militant, un syndicaliste et un politicien et il était par-dessus tout un fervent défenseur des droits de l’Homme. C’était ce Marocain, le seul qui a échappé à la peine de mort pour, ensuite, sauver son pays d’une crise cardiaque. Ni les adversaires, ni les maladies, et il en a connues de bien graves, n’ont pu entamer son caractère.
C’est un parcours exceptionnel que toutes les pages d’un journal n’auraient pas suffi à cerner. Le quotidien en a toutefois évoqué quelques bribes faisant réagir l’un de ses proches fidèles, M’Barek Bouderka, alias «Abbass» et survolant quelques phases charnières de sa vie si riche.
Celle que tout le monde garde en mémoire, c’est lorsqu’il a décidé de jeter l’éponge, quittant définitivement la scène politique non sans avoir consacré, dans sa fameuse lettre d’adieu, la formulation de la «méthodologie démocratique» qui deviendra, au lendemain de la Constitution de 2011, l’un des fondements de la pratique politique au Maroc.
Sollicitées pour un témoignage, plusieurs personnalités du monde politique ont parlé d’une perte inestimable pour notre pays. Abdellatif Ouahbi du PAM dira que «c’est dans des moments critiques qu’on reconnaît la valeur des hommes». Pour Ahmed El Khamlichi, «Youssoufi a exercé la politique avec sagesse et non en usant de manigances et de combines». Pour Mohamed Sassi, feu Youssoufi «a laissé une empreinte profonde dans l’histoire du Maroc». Nizar Baraka reconnaît que «le Maroc vient de perdre un grand moujahid». Quant à Mustapha Ramid, il estime que le défunt «a conduit l’alternance avec courage».
Les autres quotidiens ont tous tenu à marquer le départ à jamais de ce grand homme. «Youssoufi, le départ d’un sage», titre le quotidien Assabah qui consacre, lui aussi, un dossier à l’ancien Premier ministre, également dans son édition du week-end des 30 et 31 mai. Assabah est ainsi revenu, lui aussi, sur les grandes étapes d’une vie «riche en sentiments humains, en positions de principe et en militantisme et sacrifices».
Un parcours que le quotidien résume en une image qui a marqué les jeunes générations. Notamment ce samedi 15 octobre 2016, lorsque le roi Mohammed VI a rendu visite à Abderrahman Youssoufi, alité suite à un malaise au deuxième étage de l’hôpital Cheikh Khalifa de Casablanca, pour s’enquérir de son état de santé. Les jeunes générations, poursuit le quotidien, ont ainsi découvert la personnalité d’un leader politique hors-norme.
«Youssoufi, le départ d’un homme courageux», écrit de son côté le quotidien Al Massae qui rend un hommage posthume au défunt dans son édition du week-end. Il a laissé derrière lui un héritage politique symbolique. Il est passé de l’opposition au pouvoir sans jamais perdre son pouvoir d’influence, souligne le quotidien.
L’homme jouit d’un grand respect de la part de toutes les composantes de l’échiquier politique, mais aussi et surtout de l’amitié du roi Mohammed VI qui a tenu à être présent au moment de l’inauguration, récemment, d’une avenue qui porte son nom à Tanger, sa ville natale. Dans un long portrait qu’il lui a consacré, le quotidien effleure à peine le riche parcours de cette personnalité politique qui a, écrit-il, marqué de son empreinte l’histoire du Maroc pendant des décennies.
Le quotidien Al Akhbar a, lui aussi, réservé son dossier de la semaine au décès de l’ancien Premier ministre socialiste dans son édition du week-end. En cinq pages, le quotidien survole les moments forts de la vie de ce grand homme, l’illustrant de photos d’archive le mettant en scène tantôt avec les leaders politiques et syndicaux, tantôt avec les deux souverains qu’il a côtoyés de très près.
Le quotidien s’est particulièrement intéressé à la vie privée, au demeurant très discrète, du leader socialiste. Il a évoqué sa rencontre avec sa femme, Hélène, fille d’un couturier grec pour laquelle il a eu le coup de foudre et aux côtés de laquelle il a passé toute sa vie. Il a parlé de sa passion pour la lecture, sa vie de tous les jours dans son modeste appartement, à Cannes puis à Casablanca, et comment, sur les conseils de sa femme, il a refusé de s’installer dans la somptueuse villa de fonction que feu Hassan II avait mise à sa disposition.