Le ministre d’Etat chargé des droits de l’homme, Mustapha Ramid, verse de plus en plus dans la schizophrénie politique en changeant fréquemment de casquette. Pis encore, l’homme se fait de plus en plus rare en tant que membre du gouvernement pour céder la place au militant islamiste qui se radicalise en multipliant les bourdes.
Un ministre de la majorité qui se place sous l’étiquette de son parti pour se ranger dans le camp de l’opposition, le cas est rare. Pour faire plaisir aux militants réfractaires du PJD, Ramid tire sur tout ce qui bouge, y compris le gouvernement dont il fait partie. Lors de l’assemblée générale dite du dialogue interne tenue samedi dernier au siège du parti à Rabat, il a tout bonnement critiqué la teneur du communiqué du gouvernement, qui accuse le mouvement Al Adl Wal Ihsane d’être fortement impliqué dans la grève des étudiants de médecine. Devant une forte assistance, Ramid a déclaré que «ce communiqué a nui à l’image du gouvernement et a redoré le blason d’Al Adl Wal Ihsane, qui a bénéficié de la sympathie des citoyens». Il a même laissé penser que le communiqué a été publié sur des instructions venant de l’extérieur du gouvernement.
Selon une source qui a assisté à cette réunion, Ramid, qui reconnaît que la Jemaâ participe à l’escalade de cette grève, aurait préféré que le gouvernement ne la cite pas nommément. Comme il aurait aimé, ajoute la même source, que l’Exécutif adopte une autre approche avec les trois professeurs (affiliés à Al Adl Wal Ihsane) suspendus de la faculté de médecine. Le ministre islamiste reproche au ministre de l’Education nationale, Aziz Amzazi, de n’avoir pas prévenu le chef du gouvernement en prenant cette décision: «Il est vrai que la décision de suspendre des professeurs relève des prérogatives du ministre de l’Education nationale. Mais comme le chef du gouvernement a constitué un comité politique qu’il préside pour faire le suivi du problème, Amzazi devait informer ce comité au préalable».
Le quotidien Akhbar Al Youm rapporte, dans son édition du lundi 17 juin, que le ministre Ramid était contre la décision du gouvernement de faire pression sur les étudiants par le biais de leurs parents. Le ministre des droits de l’homme cite le cas de la fermeture de la pharmacie Mohamed Laghdaf Ghouti (proche du PJD), dont le fils est un membre de la coordination des étudiants de médecine. Et Ramid d’ajouter qu’il a contacté le ministre de l’Intérieur sur ce sujet mais que ce dernier lui a répondu qu’il n’était pas au courant de cette décision, tout en lui assurant qu’il allait remédier à cette situation. Le ministère de l’Intérieur a, par ailleurs, suspendu un médecin de Berkane en l’accusant d’exercer illégalement dans le secteur privé. Mais les étudiants ont imputé cette suspension aux pressions des autorités puisque le fils de ce docteur est, lui aussi, membre de la coordination des étudiants de médecine en grève.
Au cours de son intervention Ramid a évoqué, avec amertume, les difficultés qui entravent la réforme au Maroc en affirmant que ceux qui assument des responsabilités aujourd'hui sont victimes à tort de diffamation et de destruction: «Celui qui exerce la chose publique peut se tromper mais il ne faut pas nous critiquer, d’une manière aussi vile, avec de faux arguments». Et le ministre de tirer à boulets rouges sur «la presse spécialisée dans les mensonges et les affabulations, notamment contre le PJD, comme si nous étions un parti qui n’a pas été enfanté par ce pays». Le ministre a toutefois reconnu que ni le gouvernement actuel, ni le précédent, n’ont pu contenter les attentes du peuple mais, a-t-il ajouté, «nous devons faire notre autocritique car tout n’est pas rose dans notre pays. Mais il faut reconnaître que nous vivons dans un pays sable et sécurisé qui connaît un développement global même s’il faut convenir que la réforme est devenue difficile».
Le ministre d’Etat, qui porte sa casquette partisane, s’en est pris au festival Mawazine: «Je ne suis pas contre l’organisation de festivals car les citoyens y ont droit mais pas de cette façon, avec ce budget et certaines de ces séquences». Ramid le ministre, Ramid l’islamiste, ne sait plus sur quel pied danser.