Début mars 2020, Hassan Benaddi, figure emblématique du Parti authenticité et modernité (PAM), dont il a été le premier secrétaire général (2008-2009), avait annoncé, via Le360, sa décision de renoncer à toute activité partisane. Quatre ans plus tard, son apparition surprise au Conseil national du parti du tracteur, le 11 mai 2024 à Salé, a suscité des interrogations, y compris au sein du PAM. «Mon retour se veut un geste symbolique, après que des adversaires politiques ont profité des démêlés judiciaires de quelques responsables du PAM (Affaire Naciri-Bioui, NDLR) pour accuser le parti de tous les maux, osant le qualifier de parti des trafiquants de drogue», a-t-il déclaré lors de son passage dans l’émission «Grand Format Le360».
Et d’ajouter: «Je suis revenu pour exprimer mon absolue conviction et la confiance totale en l’esprit du projet du PAM. Surtout que les jeunes qui composaient la nouvelle direction du parti ont mis en place une charte éthique, en interaction avec le discours royal appelant à la nécessité de moraliser la vie partisane.»
Visiblement déçu par le bilan gouvernemental, Hassan Benaddi pointe surtout la méthode de communication de l’équipe Akhannouch. «Quelle que soit votre offre politique, votre parole doit être audible. Malheureusement, plusieurs ministres sont issus du monde des affaires. La communication est gérée comme une marchandise, guidée par une logique commerciale et non par une approche politique qui cherche à gagner la confiance des citoyens», enchaîne-t-il, déplorant au passage l’esprit de confrontation qui envenime les relations entre l’exécutif et le grand public, voire avec des instances constitutionnelles (HCP, CESE, Bank Al-Maghrib, INPPLC, etc.).
Conflit d’intérêts et hégémonisme
Évoquant les soupçons de conflit d’intérêts qui pèsent sur le chef du gouvernement, suite à l’attribution de gros marchés publics à une entreprise lui appartenant, Hassan Benaddi estime que Aziz Akhannouch ne peut être à la fois juge et partie, et aurait mieux fait de laisser ses intérêts privés de côté. «La politique repose sur la confiance. Le gouvernement a déjà envoyé un mauvais signal en retirant le projet de loi sur l’enrichissement illicite», rappelle-t-il.
Plus encore, Hassan Benaddi met en garde contre «l’hégémonisme d’une certaine oligarchie marocaine», que seul un État marocain fort de ses institutions peut freiner, et «qui pourrait aboutir à une situation dangereuse de règlements de comptes et de luttes intestines entre oligarques». Il pointe également «une crise de confiance» qui se profile entre le gouvernement et les syndicats autour du projet de loi sur le droit de grève. «L’UMT n’a jamais utilisé le mot “fraude” pour qualifier le comportement d’un gouvernement», souligne-t-il.
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Par ailleurs, Hassan Benaddi se dit serein à propos de la révision du Code de la famille, malgré les avis diamétralement opposés exprimés par les courants moderniste et conservateur de la société marocaine. Il exclut toutefois la reproduction d’un scénario similaire à celui observé en mars 2000, quand le fameux «Plan d’intégration de la femme au développement», initiative du gouvernement Youssoufi, a provoqué l’organisation de deux marches nationales antagonistes, l’une à Casablanca, menée par les islamistes, l’autre à Rabat, où ont défilé les progressistes.
«Nous avons un cadre consensuel qui a montré son efficacité au fil de l’Histoire, à savoir la Commanderie des croyants. Si le Maroc est resté à l’abri de scissions religieuses qui ont eu lieu dans de nombreux pays musulmans, c’est grâce au Commandeur des croyants», affirme-t-il.
«Déni de réalité»
Interrogé sur les échéances électorales de 2026, l’ancien SG du PAM pense que le parti ferait mieux de prendre ses distances avec la majorité actuelle et quitter le gouvernement Akhannouch qui peine à sortir du «déni de réalité».
Et pour finir sur une note positive, Hassan Benaddi appelle tous les acteurs à s’unir pour relever les défis communs. «Le Maroc possible, espéré il y a 20 ans dans le Rapport du cinquantenaire (Benaddi a contribué à la rédaction de la synthèse de ce rapport, NDLR), est à notre portée», assure-t-il, ajoutant que l’organisation par le Maroc de la CAN 2025 et du Mondial 2030, au même titre que les multiples acquis récents de la diplomatie concernant le dossier du Sahara, sont là pour montrer que le Maroc, sous le leadership du roi Mohammed VI, joue désormais dans la cour des grands.