Le gouvernement s’est peut-être montré un peu trop enthousiaste en matière législative. Ainsi, malgré les garanties exprimées au début de son mandat, l’Exécutif peine encore à faire avancer le processus d’adoption de trois projets de lois, dont deux projets de lois organiques qui complètent les dispositions de la Constitution. Les députés n’arrivent toujours pas à se mettre d’accord sur une mouture de ces textes qui ont une dimension identitaire. C’est que, relève le quotidien Al Ahdath Al Maghribia dans son édition du jeudi 17 janvier, dans ce genre de cas, les considérations idéologiques et les calculs politiques sont si présents que les frontières traditionnelles entre la majorité et l’opposition finissent par disparaître.
C’est ainsi, explique le journal, que le projet de loi organique relatif au Conseil national des langues et de la culture marocaines (CNLCM) a vu son examen en commission reporté à plusieurs reprises, sans que les groupes parlementaires n’arrivent, jusqu’à aujourd’hui, à une entente sur les amendements à y apporter. Malgré les efforts de médiation, notamment du gouvernement, les députés restent divisés sur le contenu de ce texte qui est encore gelé à la commission, et ce depuis plus de deux ans. Les débats sont bloqués plus précisément au niveau de la structure du Conseil. Le texte soumis au Parlement prévoit, ainsi, la création au sein de cette institution d’une «instance chargée de la promotion de l’utilisation des langues étrangères», ce à quoi le PJD s’oppose catégoriquement, arguant du fait que cela est contraire à la Constitution.
Les alliés du PJD au sein de la majorité, eux, ne sont pas de cet avis. Ils estiment, tout en se référant, eux aussi, à la Constitution, que la création de cette instance est nécessaire dans le cadre de l’ouverture du Maroc sur le reste du monde. En outre, si le projet de loi portant création du CNLCM est bloqué à cause de la place à accorder au langues étrangères, celui relatif à la mise en œuvre de l’article 5 de la Constitution bute, quant à lui, sur le tifinagh, souligne le journal.
En effet, ce projet de loi organique relatif à la mise en œuvre du caractère officiel de l'amazigh est bloqué à cause de la graphie dans laquelle cette langue devrait être transcrite. Ce point divise d’ailleurs les deux premières formations de la majorité, le PJD et le RNI. Au moment où le parti de la Colombe exige de préciser, dans la loi, que la langue amazighe doit être transcrite en tifinagh pour assurer une protection légale à cette graphie, le PJD estime que cela n’est pas nécessaire puisqu’il existe déjà un arbitrage royal sur le sujet. En réalité, souligne le journal, le PJD souhaite ouvrir à nouveau le débat sur la graphie dans l’objectif d’imposer les caractères arabes pour transcrire la langue amazighe.
Là encore, le ministre de l’Education nationale a tenté, comme dans le premier cas, de proposer une solution médiane, mais sans y parvenir. Le ministre tente, de même, de faire avancer un autre texte, soit le projet de loi-cadre portant réforme de l’enseignement, avec le même résultat. Aujourd’hui, les débats relatifs à ce texte peinent à avancer à cause, notamment, de deux points de discorde: la langue de l’enseignement et la supposée fin de la gratuite de l’école publique. Ce débat a d’ailleurs largement dépassé le cadre législatif pour s’imposer sur la scène politique et publique.
Ainsi, écrit le quotidien dans un autre article de la même édition, le secrétaire général de l’Istiqlal, Nizar Baraka, a mis en garde contre ce qu’il considère comme «la politisation du débat sur le projet de loi-cadre de l’enseignement». Tout en appelant à l’accélération du processus d’adoption de ce texte, le chef de file de l’Istiqlal invite toutes les autres formations à laisser de côté leurs sensibilités politiques et idéologiques pour pouvoir se mettre d’accord sur une mouture concertée et acceptée de tout le monde.