Le vendredi 12 avril, la Chambre des représentants reprenait du service avec une séance plénière dédiée à l’élection du président pour ce qui reste de l’actuelle législature. Au perchoir, l’istiqlalien Hamdi Ould Errachid, l’élu le plus âgé qui fait office de président du bureau provisoire, a beaucoup de peine à imposer un début de discipline dans ce qui ressemblait plutôt à la cour de récréation d’une école aux élèves turbulents qui viennent de se retrouver après plusieurs mois de vacances.
Tel député, pris en flagrant délit de triche lors des examens du baccalauréat, fait le tour de l’Hémicycle et distribue des bises à gauche et à droite. Comme si de rien n’était également, un autre élu, interdit de quitter le territoire et ses biens saisis en attendant le verdict de la justice dans une affaire de dilapidation de deniers publics, enchaîne les accolades avec ses pairs à la manière de quelqu’un qui revient de la Omra. Et un troisième, impliqué dans une grave affaire de diffamation visant sa camarade au parti, marche comme un paon vers l’isoloir. La liste des exemples de ce genre est assez longue.
«La moindre des choses aurait été pour ces élus de se faire discrets ou de carrément s’éclipser en attendant que leur sort soit tranché», commente un parlementaire. Mais rien ne les y oblige. Rien de contraignant, en attendant l’adoption d’une charte éthique demandée au plus haut niveau de l’État.
Une relance royale
Le 17 janvier, à l’occasion du 60ème anniversaire du Parlement, le Roi adressait un message aux élus de la Nation. Le Souverain y insiste sur l’adoption d’un code déontologique pour les parlementaires, de manière à préserver l’image du pouvoir législatif. Cette orientation royale est renouvelée dans le message de félicitations que le Souverain a adressé à Rachid Talbi Alami à l’occasion de sa réélection, le 12 avril, à la présidence de la Chambre des représentants.
C’est qu’il y a urgence. Depuis plusieurs mois, l’actualité politique est défrayée par des scandales impliquant des parlementaires entre trafic de drogues à l’international et dilapidation de deniers publics, faux et usage de faux.
Selon un décompte réalisé par Le360, au moins dix élus de la première chambre manquaient à l’appel à la reprise, le vendredi 12 avril. Et pour une raison très simple: la plupart d’entre eux se trouvent derrière les barreaux, les M’Hamed Karimine, Abdelkader El Boussairi ou encore l’ancien ministre Mohamed Moubdiî.
Une course contre la montre
Que devient alors cette fameuse charte éthique à l’heure où l’institution législative a repris du service? Une source proche de la présidence de la Chambre des représentants se veut rassurante: «les deux chambres du Parlement vont reprendre le travail sur cette charte dans les meilleurs délais, soit dès cette semaine», explique notre source qui affirme que ce chantier a déjà été mis en route dès février dernier.
«Le travail reprendra au niveau de la commission mixte constituée au niveau des bureaux des deux chambres et présidée par Rachid Talbi Alami et Enaâm Miyara», affirme la même source qui relève un atout de taille: cette même commission garde pratiquement les mêmes membres qu’auparavant, puisque le bureau de la Chambre des représentants en a reconduit près de 80% et celui de la deuxième chambre reste le même.
Mais a-t-on déjà une petite idée sur ce que contiendra cette future charte éthique? Au Parlement, les bureaux des deux chambres sont très peu «causants» sur le sujet, sauf cette promesse qu’ils vont accélérer la cadence pour une adoption définitive avant la fin de cette session du printemps.
Lire aussi : Parlement: mais que faire des députés qui croupissent en prison?
«L’idéal est de parvenir à un texte global et contraignant qui préserve l’image du Parlement, mais, en même temps, qui donne des garanties pour les parlementaires comme le respect de la présomption d’innocence», avoue un élu de la majorité.
Reste aussi une autre épineuse question: le Parlement déboucherait-il sur une charte éthique qui ferait l’objet d’un texte à part entière, ou celle-ci serait-elle intégrée dans les règlements intérieurs des deux chambres? Un autre aspect des choses que devront trancher les premiers concernés, à savoir les parlementaires eux-mêmes. «Les partis politiques aussi, ajoute un élu de la majorité, car ils assument une grande partie de la responsabilité dans la moralisation de la vie politique.»
Les formations politiques seraient-elles prêtes à jouer le jeu? C’est une autre grande inconnue quand on voit qu’elles n’hésitent pas à privilégier des intérêts bassement partisans au détriment de tout autre chose.
Le dernier exemple en date est cette guerre entre l’USFP et le Mouvement populaire autour de la présidence de la commission de la justice et qui a fait perdre à la Chambre des représentants une dizaine de jours de travail.