Monté sur le trône au décès de son père Bhumibol Adulyadej en 2016, son couronnement avait été retardé afin de pouvoir respecter une période de deuil en l'hommage du roi défunt.
A 12H9 (5H9 GMT), Maha Vajiralongkorn, 66 ans, a posé lui-même sur sa tête la "Grande Couronne de la Victoire", de plus de sept kilos, en émail doré et pierres précieuses, alors que plusieurs coups de canon étaient tirés.
La cérémonie, qui mêle rites bouddhistes et brahmanistes hérités de l'Inde, avait débutée précisément deux heures plus tôt, un horaire soigneusement choisi par les astrologues royaux.
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Après avoir été purifié par de l'eau provenant de divers points du pays, le roi s'est vu aussi remettre par des dignitaires à genoux les autres objets emblématiques de la royauté: une épée incrustée de pierres précieuses, un sceptre en bois et or, un éventail, un fouet en poil d'éléphant et des chaussons brodés de fils d'or. Il a ensuite prononcé ses premiers mots, indiquant vouloir "régner avec justesse" pour le bonheur du peuple.
Puis, Maha Vajiralongkorn a investi dans ses fonctions sa femme, la reine Suthida, une ancienne hôtesse de l'air épousée le 1er mai en quatrième noce.
Les membres de la famille royale et plusieurs dignitaires religieux et politiques, dont le chef de la junte au pouvoir depuis 2014, le général Prayut Chan-o-Cha, étaient présents.
Aucune tête couronnée étrangère n'a en revanche été conviée, "comme le veut la tradition", a-t-on précisé au ministère des Affaires étrangères.
Des centaines d'officiers en uniforme blanc ont été déployés dans les rues. Des touristes et Thaïlandais, vêtus de chemise jaune, la couleur de la monarchie, se sont aussi rassemblés autour du palais.
"Je suis ici pour capturer les émotions des gens", a déclaré Jakarin Kerdchok, 16 ans.
Maha Vajiralongkorn, aussi connu sous le nom de Rama X, est le dernier descendant de la dynastie des Chakri, fondée en 1782.
Ces cérémonies, qui vont se prolonger jusqu'à lundi, avec notamment une grande procession dimanche, sont un évènement inédit dans le royaume depuis le sacre de Bhumibol Adulyadej en 1950. Ce dernier, qui détenait le record de longévité des monarques en exercice après avoir régné 70 ans, a légué à son fils une des plus grosses fortunes royales mondiales.
Ce couronnement est l'occasion pour Maha Vajiralongkorn de s'afficher comme le garant de l'unité du royaume, qui a connu douze coups d'Etat depuis 1932, dont deux au 21e siècle. D'autant que la Thaïlande reste politiquement très divisée après les élections législatives du 24 mars, les premières depuis la prise du pouvoir par l'armée il y a cinq ans.
Plus d'un mois après le scrutin, les deux camps pro-junte et anti-junte revendiquent la victoire, cherchant à former une coalition pour obtenir une majorité à la chambre basse du Parlement. L'opposition dénonce de nombreuses fraudes.
Les résultats définitifs ne seront connus qu'après les cérémonies du couronnement d'ici le 9 mai afin de garantir au maximum la stabilité du pays.
Pour Paul Chambers, spécialiste de politique thaïlandaise à l'Université de Naresuan, dans le nord du pays, ce sacre permet au moins momentanément "de détourner l'attention d'une partie de la population".
Maha Vajiralongkorn, monarque d'un pays où royauté et armée sont intrinsèquement liés, n'a pas attendu d'être couronné pour resserrer son emprise sur les affaires royales, prenant de court les observateurs qui le prédestinaient à régner sans beaucoup s'investir.
Le roi, qui a pris l'habitude de séjourner régulièrement en Bavière où il possède plusieurs résidences et aime à piloter son Boeing 737, est intervenu directement pendant la campagne des législatives. Il a opposé une fin de non-recevoir à la candidature de sa soeur aînée au poste de Premier ministre pour un parti dans l'opposition et apporté un soutien subliminal aux militaires.
En 2017, il a pris le contrôle direct du Crown property bureau (CPB), qui gère les dizaines de milliards d'actifs de la fortune royale, et s'est opposé à plusieurs amendements constitutionnels qui auraient pu restreindre ses prérogatives.
Maha Vajiralongkorn et sa famille sont protégés par une loi draconienne sur le lèse-majesté. Toute critique ou diffamation envers la monarchie est passible de trois à quinze ans de prison.