Soudan: la guerre ouverte entre les généraux a tué une centaine de civils

Des Soudanais saluent les soldats de l'armée, fidèles au chef de l'armée Abdel Fattah al-Burhan, dans la ville de Port-Soudan, sur la mer Rouge, le 16 avril 2023.. AFP or licensors

Une centaine de civils ont péri au Soudan, au 3ème jour des combats opposant l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane à la force paramilitaire du général Mohamed Hamdane Daglo. Alors qu’aucune trêve ou issue ne se dessine dans l’immédiat, médecins et humanitaires tirent la sonnette d’alarme.

Le 17/04/2023 à 08h28

Une centaine de civils ont été tués au Soudan où tirs et explosions secouent Khartoum sans discontinuer ce lundi, troisième jour de combats qui ne parviennent pas à départager l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane de la puissante force paramilitaire du général Mohamed Hamdane Daglo.

Depuis des semaines, le conflit était latent entre les deux hommes, qui ont évincé ensemble les civils du pouvoir lors du putsch d’octobre 2021 avant de retourner leurs armes l’un contre l’autre dans la matinée du samedi 15 avril.

Depuis, les combats à l’arme lourde n’ont pas cessé et l’armée de l’air vise régulièrement, même en plein Khartoum, les QG des Forces de soutien rapide (FSR), ces ex-miliciens de la guerre du Darfour devenus les supplétifs officiels de l’armée.

Pris sous ces feux croisés, les civils paient le prix fort: au moins 97 d’entre eux ont été tués, rapportent le syndicat officiel des médecins, pour moitié environ à Khartoum. Les combattants tués, eux, se comptent par « dizaines », assurent les médecins, mais aucun des deux camps n’a annoncé de perte.

Hôpitaux en détresse

L’armée assurait dimanche soir que la situation était «extrêmement stable» et que les combats étaient «limités» tandis que les FSR se disaient, elles, «sur la voie de l’emporter définitivement».

Dans les faits, il est impossible de savoir quelle force contrôle quoi. Les FSR ont annoncé avoir pris l’aéroport samedi, ce que l’armée a nié. Les paramilitaires disent aussi être entrés dans le palais présidentiel, mais l’armée dément et assure surtout tenir le QG de son état-major, l’un des principaux complexes du pouvoir à Khartoum.

Quant à la télévision d’Etat, les deux parties assurent aussi l’avoir prise. Mais les habitants des alentours font état de combats continus tandis qu’à l’antenne, seuls des chants patriotiques sont diffusés, comme lors du putsch.

Alors qu’aucune trêve ou issue ne se dessine dans l’immédiat, médecins et humanitaires tirent la sonnette d’alarme. Dans certains quartiers de Khartoum, électricité et eau sont totalement coupées, et les rares épiceries qui ouvrent préviennent qu’elles ne tiendront que quelques jours si aucun camion de marchandises ne peut entrer dans la capitale.

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) rapporte que «plusieurs des neuf hôpitaux de Khartoum qui reçoivent des civils blessés n’ont plus de sang, d’équipement de transfusion, de fluides intraveineux et d’autres matériels vitaux».

«Première fois à Khartoum»

Alors que plus du tiers des 45 millions de Soudanais avaient besoin d’aide humanitaire avant la récente flambée de violence, le Programme alimentaire mondial (PAM) a suspendu dimanche son aide après la mort de trois de ses employés, tués dans les combats au Darfour, faisant redouter le pire dans un pays où la faim n’a cessé de progresser.

A Khartoum, les habitants sont toujours barricadés chez eux alors que des colonnes d’épaisse fumée noire continuent de monter du centre-ville. «C’est la première fois qu’il y a un tel niveau de violence dans le centre, à Khartoum», assure à l’AFP Kholood Khair, qui a fondé le centre de recherche Confluence Advisory à Khartoum.

«Les belligérants ont cru que la possibilité d’un bilan civil élevé allait dissuader l’autre camp: maintenant, on sait que leur lutte de pouvoir à tout prix l’a emportée»

—  Kholood Khair, fondatrice du centre de recherche Confluence Advisory à Khartoum.

«Khartoum est le centre historique du pouvoir et a toujours été l’endroit le plus sûr du Soudan, pendant les guerres meurtrières contre des rebelles», poursuit la spécialiste. «Aujourd’hui, les combats se déroulent partout dans la ville, notamment dans des zones densément peuplées, car les belligérants ont cru que la possibilité d’un bilan civil élevé allait dissuader l’autre camp: maintenant, on sait que leur lutte de pouvoir à tout prix l’a emportée», poursuit-elle.

Appels au cessez-le-feu

La communauté internationale multiplie depuis samedi les appels au cessez-le-feu: dimanche la Ligue arabe et l’Union africaine se sont réunies en urgence pour demander la cessation des hostilités et le retour à une «solution politique».

Les chefs de la diplomatie américain et britannique, réunis au Japon pour un sommet du G7, ont appelé à la «cessation immédiate» des violences au Soudan. «Tous nos partenaires sont fermement convaincus de la nécessité d’un cessez-le-feu immédiat et d’une reprise des pourparlers», a déclaré le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken à l’issue d’un entretien avec le ministre britannique des Affaires étrangères James Cleverly.

Par Le360 (avec AFP)
Le 17/04/2023 à 08h28