L'Arabie saoudite a reconnu samedi que le journaliste saoudien Jamal Khashoggi a bel et bien été tué à l'intérieur du consulat saoudien à Istanbul.
La confirmation de la mort de Khashoggi a été faite dans les premières heures de samedi par l'agence de presse officielle saoudienne, SPA.
"Les discussions entre Jamal Khashoggi et ceux qu'il a rencontrés au consulat du royaume à Istanbul (...) ont débouché sur une rixe, ce qui a conduit à sa mort", a déclaré l'agence, citant le parquet.
Le procureur général saoudien Cheikh al-Mojeb a publié un communiqué sur le déroulement des faits. "Les discussions qui ont eu lieu entre lui et les personnes qui l'ont reçu au consulat saoudien à Istanbul ont débouché sur une bagarre et sur une rixe à coups de poing avec le citoyen Jamal Khashoggi, ce qui a conduit à sa mort, que son âme repose en paix", a déclaré le procureur.
Le directeur d'un centre de réflexion pro-saoudien, considéré comme proche de la direction du royaume, a donné une autre version de la cause du décès. "Khashoggi est mort d'un étranglement au cours d'une altercation physique, pas d'une rixe à coups de poings", a déclaré cet expert, Ali Shihabi, disant s'appuyer sur une source saoudienne haut placée.
Simultanément, le royaume a annoncé la destitution d'un haut responsable du renseignement saoudien, Ahmad al-Assiri, et celle d'un important conseiller à la cour royale, Saoud al-Qahtani.
Ces hommes sont deux proches collaborateurs du prince héritier Mohammed ben Salmane, surnommé MBS, sur lequel la pression était montée ces derniers jours à propos de l'affaire Khashoggi.
La grande proximité des deux personnages limogés avec le prince héritier a été soulignée par un analyste du Baker Institute de l'université de Rice, aux Etats-Unis. "Renvoyer Saoud al-Qahtani et Ahmad al-Assiri, c'est aller aussi près de MBS qu'il est possible d'aller", a relevé cet analyste, Kristian Ulrichsen.
"Intéressant de voir si ces mesures s'avèrent suffisantes. Si le goutte à goutte de détails supplémentaires (sur la mort de Khashoggi) continue, il n'y a plus de tampon pour protéger MBS", a-t-il estimé.
Ryad a par ailleurs annoncé que 18 personnes, toutes de nationalité saoudienne, avaient été arrêtées dans le cadre de l'enquête.
Le roi Salmane d'Arabie saoudite a également ordonné la création d'une commission ministérielle présidée par le prince héritier pour restructurer le service saoudien du renseignement, ont annoncé les médias officiels.
La disparition mystérieuse de Khashoggi, qui était entré le 2 octobre au consulat d'Istanbul pour une démarche administrative et n'était pas reparu depuis, a suscité une crise internationale, rythmée notamment par les accusations de responsables turcs affirmant sous le couvert de l'anonymat que le journaliste avait été tué sur ordre au consulat, alors que la direction saoudienne niait toute implication.
Critique envers le prince héritier, Jamal Khashoggi vivait en exil aux Etats-Unis depuis 2017.
La confirmation de la mort du journaliste à Istanbul est intervenue peu après une nouvelle conversation téléphonique sur l'affaire Khashoggi entre le président turc Recep Tayyip Erdogan et le roi Salmane.
Les deux dirigeants "ont souligné l'importance de continuer à travailler ensemble en complète coopération", selon une source à la présidence turque parlant sous le couvert de l'anonymat.
Les enquêteurs turcs ont poursuivi leurs investigations hier, fouillant notamment une vaste forêt proche d'Istanbul.
La reconnaissance de la mort de Khashoggi par Ryad est intervenue alors que l'administration du président américain Donald Trump avait adressé hier une nouvelle mise en garde à Ryad, évoquant de possibles sanctions.
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Après l'annonce saoudienne, répondant à un journaliste qui lui demandait s'il jugeait la version de Ryad "crédible", Donald Trump a répondu: "Oui, oui". "Encore une fois, il est tôt, nous n'avons pas fini notre évaluation, ou enquête, mais je pense qu'il s'agit d'un pas très important", a-t-il dit.
Donald Trump avait admis pour la première fois jeudi dernier que le journaliste était très probablement mort, menaçant l'Arabie saoudite de "très graves" conséquences.
"Nous sommes attristés d'apprendre que la mort de M. Khashoggi a été confirmée", a déclaré la porte-parole de la Maison Blanche, Sarah Sanders.
Les Etats-Unis notent "que l'enquête sur le sort de Jamal Khashoggi progresse et que (le royaume saoudien) a entrepris des actions à l'encontre des suspects qui ont été pour l'instant identifiés", a ajouté la porte-parole.
Les Etats-Unis vont "appeler à ce que justice soit rendue dans les meilleurs délais et de manière transparente, et en accord avec l'état de droit", a dit Sarah Sanders.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, s'est déclaré dans un communiqué "profondément troublé" et "souligne la nécessité d'une enquête rapide, approfondie et transparente sur les circonstances du décès".
Des élus américains se sont montrés nettement plus durs que la Maison Blanche après l'annonce saoudienne.
Le sénateur Lindsey Graham, un proche allié de Donald Trump, a mis en doute la crédibilité de Ryad. "Dire que je suis sceptique sur la nouvelle version saoudienne sur M. Khashoggi est un euphémisme", a tweeté le sénateur républicain.