Ces résultats, après un succès historique de l'extrême droite au premier tour des élections régionales il y a une semaine, sont un camouflet pour les trois figures emblématiques du parti Front national, et en premier lieu pour sa présidente Marine Le Pen, 47 ans, battue dans le Nord. Sa nièce Marion Maréchal-Le Pen, 26 ans, s'est inclinée dans le Sud, tout comme Florian Philippot, 34 ans, stratège du parti, dans l'Est.
Mais le FN, avec un discours europhobe et anti-immigration, grimpe depuis cinq ans en surfant sur le rejet, notamment par les classes défavorisées, des partis classiques impuissants face à la crise économique et au chômage (10,6% avec l'outre-mer).
"Le danger de l'extrême droite n'est pas écarté, loin de là", a admis le Premier ministre socialiste Manuel Valls. Il a salué un "élan très digne" des électeurs face au FN - la participation a bondi de huit points - mais assuré ne ressentir "aucun soulagement, aucun triomphalisme". Lui faisant écho, le chef de l'opposition de droite, l'ex-président (2007-2012) Nicolas Sarkozy, a jugé que "cette mobilisation (...) ne doit sous aucun prétexte faire oublier les avertissements qui ont été adressés à tous les responsables politiques".
Après des résultats accueillis par ses militants dans un silence de cathédrale, Marine Le Pen a assuré que "rien ne pourra nous arrêter" pour la présidentielle de 2017. Sa nièce a lancé: "Il y a des victoires qui font honte aux vainqueurs". Le FN a des motifs de consolation. Il progresse depuis le premier tour et réalise son meilleur score national jusqu'alors en pourcentage, 28%. Mais le fait marquant, ce sont les 6,8 millions de voix qu'il a engrangées - plus que les 6,4 millions de voix de la dernière présidentielle en 2012, à laquelle la participation était pourtant 20 points supérieure.
Dans son édito à paraître lundi, intitulé "Cette victoire est surtout une non-défaite", le quotidien de gauche Libération estime que si "le sursaut a eu lieu", "c’est la peur de l’extrême droite qui a mobilisé la gauche, non l’adhésion", et qu'il reste un an au gouvernement de gauche pour "réhabiliter l'action politique".
Le quotidien de droite Le Figaro juge que les résultats imposent aux adversaires du FN "de se montrer à la hauteur de la confiance qui leur a été renouvelée".
“L'impasse du FN”Selon le politologue Jean-Yves Camus, le résultat de ce dernier scrutin avant la présidentielle de 2017 "tend à confirmer qu'il y a une impasse pour le Front national: c'est un excellent parti de premier tour, mais il ne sait pas aller au-delà". Pour 2017, les instituts de sondage donnent Marine Le Pen qualifiée mais battue au deuxième tour, après une première position au premier tour.
Les régions françaises, réduites récemment à 13 contre 21 auparavant pour porter leur taille au niveau des Länder allemands, sont les seules collectivités à pouvoir aider directement des entreprises. Elles sont aussi compétentes en éducation et dans les transports.
Avec au soir du 6 décembre le plus fort score au niveau national (28%, et jusqu'à 40% dans le Nord et le Sud), le Front national était en tête dans six régions. Il tablait sur le rejet des partis traditionnels et sur les peurs provoquées par les attentats jihadistes du 13 novembre à Paris (130 morts, des centaines de blessés).
Mais la participation des Français au second tour a été nettement plus importante qu'au premier (58,53% contre 50,08%), signe d'une plus grande mobilisation saluée par les responsables de droite et de gauche comme un "sursaut républicain". La gauche avait sacrifié ses listes dans le Nord et le Sud en appelant à voter pour la droite. Le FN dirige une dizaine de municipalités en France, mais n’a jamais conquis de région.
Ces elections. sont en tout cas un signal d'alarme pour la classe politique française à 16 mois du scrutin présidentiel.