L'avion de ligne, un biréacteur An-148 de la compagnie Saratov Airlines, s'est écrasé près de Moscou dimanche peu après avoir décollé de l'aéroport de Domodedovo en direction d'Orsk, dans l'Oural. Les 65 passagers et six membres d'équipage sont morts.
Retrouvées lors de recherches rendues fastidieuses par une épaisse couche de neige, les boîtes noires ont commencé à délivrer leurs premières informations aux enquêteurs du Comité intergouvernemental d'aviation (MAK).
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Si l'enregistreur contenant les échanges vocaux doit encore être déchiffré, celui contenant les paramètres techniques du vol fait état de "données incorrectes sur la vitesse du vol (...) apparemment liées au givrage de sondes Pitot dont le système de chauffage était éteint", a affirmé dans un communiqué le MAK.
Appelées aussi "tubes de Pitot", ces sondes permettent aux pilotes de contrôler la vitesse de leur appareil, un élément crucial pour son équilibre en vol. Si ces sondes sont encrassées par du givre ou des débris, une mesure incorrecte de vitesse peut être fournie aux pilotes, ce qui risque d'entraîner un décrochage de l'appareil si celui-ci vole trop lentement ou une déformation de l'avion si celui-ci va trop vite.
Elles ont été pointées du doigt dans l'accident de l'Airbus A330 d'Air France assurant la liaison Paris-Rio (vol AF447) et qui s'était abîmé dans l'océan Atlantique le 1er juin 2009 avec ses 228 occupants. Une nouvelle contre-expertise judiciaire, consultée par l'AFP en janvier, avait désigné le givrage de ces sondes comme point de départ de la catastrophe mais avait montré du doigt la réaction de l'équipage comme sa "cause directe".
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Dans le cas de l'An-148 de Saratov Airlines, l'enregistreur de vol a révélé des divergences de plus en plus importantes entre les vitesses mesurées par les différents capteurs au cours des quelques minutes du vol. Ces informations contradictoires ont poussé les pilotes à couper le pilotage automatique pour revenir en mode manuel, à une altitude d'environ 2.000 mètres. Mais 34 secondes plus tard, l'une des sondes indiquait une vitesse nulle contre plus de 540 kilomètres par heure selon une autre. L'appareil s'est alors mis à chuter.
Sur la base des données de la boîte noire, le MAK relève que le système de chauffage des sondes de vitesse était éteint alors qu'il fonctionnait pour les 15 vols précédents.
Citant une source parmi les enquêteurs, le quotidien russe RBK affirme que le commandant de bord aurait décidé de ne pas procéder au dégivrage des ailes de l'avion avant son décollage malgré des températures négatives.
Selon un pilote d'un An-148 de ligne cité par RBK, "l'équipage peut très bien prendre cette décision si, par exemple, la neige n'est pas humide" et ainsi éviter à la compagnie d'économiser 2.250 euros. "En refusant un traitement avec du liquide antigel, l'équipage pouvait gagner du temps, puisque le vol était déjà un peu en retard, mais aussi de l'argent: la procédure peut représenter le prix de 10 à 20 billets pour un vol", explique une source au sein de l'enquête au quotidien russe Kommersant.
Dans son communiqué, le MAK n'a pas indiqué si l'équipage a procédé au dégivrage des ailes ou non et a précisé poursuivre l'analyse de la boîte noire.
Lundi, Saratov Airlines avait annoncé suspendre l'exploitation de ses An-148, un modèle relativement récent du constructeur Antonov qui a réalisé son premier vol en 2004. La compagnie aérienne a affirmé que l'An-148 en question, mise en service en 2010, avait subi un contrôle poussé en janvier, n'ayant révélé aucun défaut.
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Les recherches des débris et restes des corps mobilisent un millier de personnes sur plusieurs dizaines d'hectares dans le district de Ramenski, à quelque 70 km au sud-est de Moscou, près du village de Stepanovskoïé. Elles pourraient prendre "environ une semaine", a indiqué lundi le ministre des Transports Maxime Sokolov.
La majorité des passagers étaient originaires de la région d'Orenbourg, qui a observé une journée de deuil lundi. Parmi les victimes se trouvaient trois étrangers, dont un Suisse.