Figure du terrorisme internationaliste des années 1970-1980, Ilich Ramirez Sanchez, dit Carlos, 67 ans, sera jugé pendant trois semaines par une cour composée de magistrats pour l'attentat le plus ancien que lui reproche la justice française, le dernier pour lequel il comparaîtra en France.
Le 15 septembre 1974 en fin d'après-midi, deux personnes avaient été tuées et 34 autres blessées par l'explosion d'une grenade lancée dans l'enceinte de l'ancien Drugstore Publicis, à l'angle du boulevard Saint-Germain et de la rue de Rennes.
Lors du procès, le président François Sottet et ses six assesseurs doivent entendre 17 témoins et deux experts de ce dossier qui totalise 14 tomes de procédure. Carlos est passible de la réclusion criminelle à perpétuité. Mais le Vénézuélien, incarcéré en France depuis son arrestation au Soudan par les services français en 1994, a déjà été condamné à deux reprises à la peine maximale pour le meurtre de trois hommes, dont deux policiers en 1975 à Paris, et pour quatre attentats à l'explosif qui avaient fait onze morts et près de 150 blessés en 1982 et 1983, à Paris, Marseille et dans deux trains. Le procès aura donc pour enjeux d'apporter un éclairage historique et de répondre à l'attente des victimes.
Des plaies jamais refermées
"Enfin un procès! Les victimes attendent depuis si longtemps que Carlos soit déclaré coupable et condamné, leurs plaies ne se sont jamais refermées", a salué Me Georges Holleaux, représentant 18 d'entre elles dont les veuves des deux hommes tués dans l'attentat.
Au total, vingt-sept victimes du Drugstore se sont constituées parties civiles aux côtés de trois organisations: l'Association française des victimes du terrorisme (AfVT), l'Association des familles de l'attentat du DC10 et la Fédération nationale des victimes d'attentats et d'accidents collectifs (FENVAC).
"Quel est l'intérêt de faire ce procès si longtemps après les faits. C'est extravagant", a dénoncé de son côté Me Isabelle Coutant-Peyre, l'avocate de Carlos, qu'elle a épousé religieusement en 2001, rappelant qu'il réfute les accusations portées contre lui.
La tenue même de ce procès a été contestée par la défense qui invoquait la prescription des faits. Mais au terme d'une bataille procédurale, la justice a rejeté l'argument estimant que cette prescription a été interrompue par les actes de procédure accomplis dans les autres dossiers Carlos, les faits s'inscrivant "dans la persévérance d'un engagement terroriste".
Dans une interview parue fin 1979 dans le magazine Al Watan Al-Arabi, Carlos avait reconnu avoir jeté la grenade. Mais il a contesté lors de l'instruction avoir donné cet entretien.
Pour l'accusation, l'attentat s'inscrivait dans le contexte d'une prise d'otages en cours à l'ambassade de France à La Haye. Un commando de l'Armée rouge japonaise (ARJ), émanation du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) dont Carlos était membre de la branche "opérations spéciales", exigeait la libération d'un de ses membres interpellé à l'aéroport d'Orly deux mois plus tôt.
Maître d'oeuvre de la prise d'otages de la Haye, Carlos aurait pris l'initiative de jeter la grenade pour faire plier le gouvernement français. Il parvint à ses fins, le détenu japonais fut libéré et put rejoindre Aden (Yémen) avec les autres membres du commando de La Haye.
L'accusation se fonde également sur les témoignages d'anciens compagnons de route de Carlos. Les enquêteurs ont aussi reconstitué le circuit de la grenade utilisée pour l'attentat qui provenait du même lot, volé en 1972 dans un camp militaire américain, que celles utilisées par les preneurs d'otages de La Haye ou celle découverte à Paris chez la maîtresse de Carlo.