Une majorité de plus des deux tiers requis des sénateurs ont voté pour la destitution de la dirigeante de gauche, élue en 2010, et qui sera remplacée dans la journée par son ancien vice-président et rival Michel Temer (PMDB, centre droit).
Sur les 81 parlementaires, 61 ont voté pour sa destitution et seulement 20 ont voté contre. Les sénateurs doivent encore voter, sous la direction du président de la Cour suprême (STF) Richard Lewandowski, pour décider si Mme Rousseff, reconnue coupable d'avoir commis un "crime de responsabilité", est également interdite d'exercer toute fonction publique pendant huit ans.
L'ex-dirigeante, qui a suivi le vote depuis sa résidence du palais de l'Alvorada en compagnie de son mentor, l'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva, devrait faire une déclaration à la presse avant de quitter Brasilia pour rejoindre son domicile de Porto Alegre (sud) où vivent sa fille et ses deux petits-fils. "Elle va bien, elle est tranquille", avait assuré avant le vote un de ses conseillers à l'AFP.
Son ex vice-président Michel Temer, 75 ans, qui a précipité sa chute, prêtera serment dans la foulée lors d'une très brève cérémonie, avant de s'envoler vers la Chine pour participer à un sommet du G20, où il tentera de redorer le blason terni de la première économie d'Amérique latine.
"Le Brésil ne peut pas être absent de la réunion du G20", a souligné au quotidien O Globo M. Temer, qui devrait selon les médias s'exprimer dans la soirée dans une allocution télévisée enregistrée.
Tout aussi impopulaire que sa rivale, il exerçait déjà la présidence à titre intérimaire depuis la suspension, le 12 mai par le Sénat, de la première femme élue à la tête du cinquième pays le plus peuplé de la planète.
Englué depuis la réélection de Mme Rousseff fin 2014 dans une crise politique et économique de magnitudes historiques, sur fond de méga-scandale de corruption, le Brésil rompt ainsi avec 13 ans de gouvernements du Parti des travailleurs (PT) initiée en 2003 par Lula. Une longue page d'histoire marquée par le "miracle" socio-économique des années 2000 qui a vu sortir 29 millions de Brésiliens de la misère, avant les affaires de corruption et un brutal retournement économique qui ont précipité le Brésil et Mme Rousseff dans l'abîme. Les chiffres officiels publiés mercredi matin ont d'ailleurs montré que la récession s'installe au Brésil, avec un sixième trimestre consécutif de baisse du PIB.
Le verdict est tombé au sixième jour d'un procès marathon, de dizaines d'heures de débats techniques et passionnés où le droit de la défense et la Constitution auront été scrupuleusement respectés sur la forme, sans forcément convaincre de la culpabilité de Mme Rousseff au plan strictement juridique.
La dernière session s'est conclue sur les discours enflammés de sénateurs de chaque camp : "Temer n'a pas la légitimité pour gouverner ce pays", a lancé la sénatrice Vanessa Grazziotin (PCdoB, parti allié du PT). Le sénateur Ronaldo Caiado (DEM, droite) a rétorqué que "les vraies canailles sont ceux qui pillent les coffres de Petrobras et s'enrichissent avec l'argent public, les vraies canailles sont ceux qui laissent des millions de Brésiliens sans emploi". "La démocratie n'est pas le meilleur régime parce qu'elle est infaillible, mais parce qu'elle corrige ses imperfections. Si nous nous trompons, la démocratie se corrigera et le peuple nous corrigera", avait déclaré le président du Sénat Renan Calheiros (PMDB) avant le vote final.
Le motif de cette destitution? Le maquillage des comptes publics pour camoufler l'ampleur du déficit, via un tour de passe-passe faisant incomber certains frais à des banques publiques, et l'approbation de trois décrets engageant des dépenses sans le feu vert du Parlement.
Pour la défense de Mme Rousseff, tous ses prédécesseurs ont eu recours aux manoeuvres budgétaires incriminées sans avoir été inquiétés. Il s'agit donc d'un "coup d'Etat" institutionnel orchestré par l'opposition de droite et Michel Temer. Le vice-président avait porté un coup fatal à cette ex-guérillera de 68 ans torturée et emprisonnée sous la dictature (1964-1985) en poussant en mars son grand parti centriste, le PMDB à claquer la porte de sa coalition.
La démonstration de combativité administrée lundi par Dilma Rousseff, répondant pendant plus de 14 heures au feu roulant de questions des sénateurs avec calme et fermeté, n'était donc qu'un baroud d'honneur pour la postérité.
"Votez contre la destitution, votez pour la démocratie", avait-elle lancé aux sénateurs, dont plus de la moitié sont soupçonnés de corruption ou visés par une enquête. Mme Rousseff avait martelé avec force avoir la "conscience tranquille de n'avoir commis aucun crime de responsabilité".