C’est en ce mois de novembre que Mohamed Haïtami boucle sa première année à la tête du plus emblématique groupe de presse du royaume, Maroc Soir. Le col blanc parachuté de la direction des services financières d’Attijariwafa bank pour prendre les rênes du groupe médiatique n’a pas trahi aux appréhensions que se faisaient de lui les patrons de presse.
Snobant systématiquement les réunions de la fédération des éditeurs, il se comporte plutôt avec ces derniers en tant que banquier, spécialiste du recouvrement. Surtout quand il s’agit d’éditeurs de journaux qui sont clients de l’imprimerie de Maroc Soir. Pis, les méthodes cavalières de Haïtami -défiant souvent toutes les logiques et les lois régissant les relations entre clients et fournisseurs- lui ont valu des différends avec plusieurs publications de la place. De leur côté, ses collaborateurs lui brossent le portrait d’un «homme de chiffres, dont la carrière est derrière lui et qui n’arrivera jamais à s’acclimater avec ce secteur très particulier de journalisme et d’entreprises de presse».
En tant que désormais ancien directeur de la publication du magazine Alaan, j’ai maintes fois mesuré la méconnaissance de Haïtami du secteur de la presse et des entreprises d’édition. L’homme ne parle que recouvrement. Alors que l’hebdomadaire n'était redevable à Maroc Soir que d’une somme inférieure à 10% du chiffre annuel que cette entreprise faisait avec le magazine, Haïtami a pris la décision brutale et sans préavis de bloquer l’impression de Alaan, précipitant ainsi sa disparition. Je l’ai supplié pourtant de patienter quelques semaines jusqu’à ce le magazine perçoive la subvention de l’Etat. Mais rien n’y a fait. L’homme ne comprend rien à la réalité de la presse. J’ai appelé sa hiérarchie… En vain.
Pourtant, le groupe Maroc Soir a toujours été un partenaire privilégié de la presse écrite. Des journaux ont pu se maintenir grâce au soutien de cet imprimeur, parmi d’autres, qui les aidait à traverser une mauvaise passe. Et pour cause, les destins sont liés. Aujourd’hui encore, les entreprises de presse qui restent viables brassent des chiffres d’affaires (subventions publiques en prime) qui arrivent à peine à couvrir les coûts de l’impression et de la distribution. Le secteur de la presse écrite semble tourner pour permettre aux rotatives du groupe Maroc Soir de tourner. Mais Haïtami n’a visiblement cure de la survie de cet écosystème. Ce qui intéresse ce banquier très spécialisé est d’utiliser tout le poids du groupe pour réaliser rapidement du chiffre, un peu à l’image de ces objectifs qu’on assigne aux chargés de clientèle dans les agences bancaires…
Le secteur aurait sans doute aimé voir cet homme compétent agir en analyste financier capable d’adopter les susceptibilités de ce domaine assez particulier qu’est la presse. Sauf qu’après douze mois, Haïtami n’a sorti sa plume que pour signer des décisions qui précipitent le crépuscule annoncé de la presse écrite au Maroc ; et de facto, son groupe Maroc Soir vers un lendemain moins enchanteur…