Entre la mosquée Hassan II et l’îlot Sidi Abderrahmane, il y a un monde. Un monde spirituel, invisible, qui reflète bien cette exception marocaine, pétrie de religion musulmane mais aussi de croyances mystiques et paranormales.
Ainsi, faire ses cinq prières quotidiennes n’est pas incompatible avec la vénération d’un saint et le don d’une offrande pour s’attirer sa protection. Au Maroc, on croit en dieu, en son prophète mais on croit aussi dur comme fer aux pouvoirs des saints d'une ville, un village, une localité. Peu importe, on croit.
A quelques encablures, tenez-vous bien: des restos hype, des lounges branchés et des clubs élitistes qui proposent, au demeurant, des menus ftour Ramadan à prix mirobolants. En vue, des flots bleus, entourés de mystère et au loin, l’îlot Sidi Abderrahmane. Tout va bien.
En vue aussi, et à quelques jours du mois de ramadan, des Marocains se pressent aux portes du marabout. L'animation? Les voyantes, partie du décor. On est dans une île, souvenez-vous.
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Explications Pour les Casablancais, cet endroit étrange au cœur de toutes les légendes urbaines, aussi craint que vénéré, fait partie du paysage. Il y a quelques années encore, il fallait attendre la marée haute pour pouvoir rejoindre l’île aux sorcières, en embarquant sur un pneumatique dirigé de main de capitaine par un marin moyennant 10 dirhams. Aller-retour.
On n’hésitait pas à se mouiller, à braver les vagues déchaînées pour aller consulter une chouwafa en se justifiant, se soi-disant purifier, intentionnellement jeter un sort ou, juste, faire un sacrifice pour garantir la suite. Aujourd’hui, le pont qui relie le bitume de la corniche aux rochers de l’île a simplifié le voyage, tout en rompant quelque peu le charme du voyage.
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Concrètement Cet endroit, aussi mythique que mystique, abrite en fait la koubba d’un marabout, Sidi Abderrahmane, baptisée du nom d’un homme saint originaire de Bagdad et qui, selon l’une des nombreuses légendes, aurait échoué sur cet îlot où il a fini ses jours, loin du monde trop cruel qu’il avait décidé de fuir.
Amoureux de la mer et de la nature, il est dit que Sidi Abderrahmane était un homme pieux, généreux, serviable qui dormait à la belle étoile, préférant donner sa maison aux pèlerins de passage.
Comme Jésus, Sidi Abderrahmane avait le pouvoir de marcher sur l’eau et pouvait ainsi voyager à travers des mondes accessibles à lui seul.
Le business sanctifié A Casablanca, on prie donc le saint censé accomplir des miracles. On lui demande amour, fertilité, puissance, fidélité d’un conjoint, promotions, argent… Mais au cas où les prières à elles seules ne suffiraient pas, on fait aussi appel aux services des habitants de l’Île, ou du moins de ceux qui se prétendent encore l'habiter, et qui font commerce de leurs «dons».
D’un côté les chouwafates qui conjurent le mauvais œil, jettent des sorts et purifient. Un seau d’eau placé entre les jambes du visiteur, du plomb fondu versé dans l’eau, le sort est joué. Pour les cas les plus coriaces, on demande sacrifice d’une chèvre, d’un bouc, d’un poulet ou d’un veau… Pour d’autres encore, l’immersion dans l’océan est un passage obligé.
Autre métier, celui du moul majmar qui propose aussi ses services de purificateur. Il faut alors entrer dans une case tenant lieu de salle d’eau, se dévêtir, se laver le corps avec de l’eau de mer, revêtir une gandoura prêtée avant d’enjamber sept fois le brasero. A la clé de ce bain de fumée, l’apaisement des esprits maléfiques et la conjuration des mauvais sorts. Un rituel qui ne peut toutefois être ficelé qu’une fois jeté derrière soi, sur les rochers, un habit intime.
Si l’îlot incarne de loin une jolie carte postale de maisonnettes peintes à la chaux et bâties à même les flots, sur place, la puanteur qui émane de la grotte où sont jetées les carcasses des animaux sacrifiés gâche le tableau. Ajoutez l’esprit mercantile. Qu'importe, on est là. Parce qu'on y croit. EnregistrerEnregistrer EnregistrerEnregistrer EnregistrerEnregistrer