Alors que la Sonasid exigeait, au Maroc, des mesures contre les importations chinoises sur son principal marché à l'export, qui n'est autre que l'Europe, Bruxelles vient, quant à elle, d'envoyer un message lapidaire à destination de Pékin: pas question de laisser l’acier chinois à bas prix inonder le marché européen et laminer les industries de l’Union sans rien faire. “La Commission, présidée par Jean-Claude Juncker, a annoncé qu’elle instituait le jour même des droits antidumping «provisoires» sur les importations de deux types de produits provenant de Chine: «les produits plats laminés à chaud en fer, en aciers non alliés ou en autres aciers alliés», ainsi que «certaines tôles fortes en aciers non alliés ou en autres aciers alliés», précise le site de Le Monde, le 8 octobre.
Ainsi, les autorités douanières européennes auront le droit de surtaxer ces produits au cours des six prochains mois. Le temps, en réalité, que les enquêtes “antidumping”, lancées en février dernier par la Commission européenne, soit bouclées. Evidemment, si les enquêtes aboutissent, ces surtaxes seront prolongées pendant 5 ans. Par conséquent, les produits plats laminés à chaud importés en Europe devront être surtaxés de 13,2% à 22,6 % de leur prix facial, selon les fabricants chinois concernés (22,6%, par exemple, dans le cas de Zhangjiagang GTA Plate Co). Les tôles chinoises, elles, seront taxées de 65,1% à 73,7% de leur prix d’importation, là encore en fonction des aciéries concernées. “Pour les produits laminés à chaud, la Commission a pris une mesure exceptionnelle: elle autorise l’imposition des taxes antidumping provisoires avant même que le préjudice ait été mis en évidence pour les industriels européens. L’institution a souligné, vendredi, qu’elle avait fait preuve d’une célérité toute particulière en rendant ses décisions avec cinq semaines d’avance sur le calendrier prévu. Enfin, l’institution a précisé que les tôles provenant de Chine avaient été scrupuleusement enregistrées par les autorités douanières des pays de l’Union depuis cet été et que ces dernières pourraient donc leur appliquer des taxes antidumping rétroactives, une disposition également exceptionnelle”, précise Le Monde.
Mais, au-delà de cela, l'Union Européenne souhaite aller encore plus loin. Son bras exécutif souhaite l'adoption par les 28 pays membres d'un règlement sur «les instruments de défense commerciale», censé renforcer les outils antidumping à disposition de l’Europe. Ce projet de règlement a été mis sur la table dès 2013, mais est toujours bloqué par une courte majorité de pays réfractaires, fervents défenseurs du libre-échange. Bruxelles voudrait être aussi bien armée que les Etats-Unis, pays où les taxes de ce type sont souvent deux à trois fois plus élevées que celles du Vieux Continent.
Pour l'instant, les Italiens, les Allemands et les Français sont clairement en faveur de ce texte. L’ex-ministre de l’économie Emmanuel Macron en avait d’ailleurs fait l’un de ses chevaux de bataille, montant plusieurs fois au créneau début 2016. La Commission a aussi réussi à convaincre les Belges et les Autrichiens de soutenir son projet de règlement. Il manque encore, notamment, le feu vert des Britanniques, malgré les difficultés de leur acier (Tata Steel a mis en vente sa filiale au Royaume-Uni). Bruxelles compte beaucoup sur le virage «protectionniste» que semble avoir opéré la première ministre, Theresa May, du moins dans ses discours. Affaire à suivre.