Le géant asiatique, premier marché automobile mondial, vise des ventes annuelles de 2 millions de véhicules électriques ou hybrides d'ici 2020, contre 780.000 unités l'an dernier, via d'ambitieux quotas imposés dès 2019.
D'après le cabinet Boston Consulting, les voitures électrifiées constitueront la moitié du marché mondial d'ici 2030. Cet essor fulgurant met à l'épreuve l'industrie de la batterie, composant onéreux déterminant l'autonomie du véhicule. Peu de constructeurs se hasardent à en fabriquer eux-mêmes: le japonais Nissan s'est récemment séparé d'une production engagée avec son compatriote NEC.
Le coût reste prohibitif: "Seuls cinq, six groupes ont l'échelle de production suffisante pour fabriquer des batteries efficacement", explique Trevor Worthington, vice-président de Ford, en marge du Salon de Pékin. "La technologie évolue encore, celle qui dominera l'automobile n'est pas fixée", ce qui dissuade l'investissement, renchérit pour l'AFP Nicolas Peter, directeur financier de BMW.
Parmi les fabricants de batteries, les mastodontes chinois BYD et CATL (qui compte pour clients Volkswagen, Ford, Daimler...) s'appuient sur le colossal marché du pays... d'autant que Pékin impose aux constructeurs d'utiliser des composants produits localement.
En parts du marché mondial, CATL pourrait quasi-égaler cette année le japonais Panasonic. CATL, qui verra ses capacités de production quintuplées d'ici 2020 grâce à une usine chinoise géante, s'apprête aussi à implanter un site... en Europe. "La technologie qu'on trouve chez CATL est aussi bonne qu'ailleurs", commente M. Worthington.
Le tableau s'assombrit cependant à mesure que s'intensifient les tensions autour du cobalt et du lithium, matières premières indispensables à la confection des batteries. Selon le FMI, la demande de cobalt, dopée par l'automobile, pourrait représenter trois fois la production actuelle d'ici 2025. Le cours du métal a déjà triplé depuis début 2016... et les nouveaux projets d'exploitation tardent.
Lire aussi : Afrique: à quand la prise de conscience de la «malédiction des matières premières»?
Le cobalt, sous-produit minier, dépend de la production d'autres métaux. "L'offre devrait rester relativement adéquate à moyen terme", tempère Gavin Montgomery, analyste de Wood Mackenzie. "Mais la volatilité subsiste et le marché se tend".
Aux aguets, l'industrie s'efforce de garantir ses approvisionnements. Les firmes chinoises ont une longueur d'avance: "Elles contrôlent une grande partie de l'offre de lithium, via les groupes Tianqi, Ganfeng, divers investissements dans les mines australiennes...", relève Gavin Montgomery. Tianqi veut monter au capital du Chilien SQM, et, selon le cabinet RWR Advisory, les investissements chinois dans les mines de lithium dépassent le milliard de dollars.
Sur le cobalt, des firmes chinoises contrôlent nombre de petites mines en République démocratique du Congo (RDC), d'où provient 60% de l'offre mondiale, et China Molybdenum y a racheté un site majeur au géant minier Freeport pour 2,65 milliards de dollars. La "vaste majorité" des exportations congolaises de cobalt sont destinées à la Chine, qui "possède 80% des capacités de production chimique de cobalt affiné", observe Gavin Montgomery.
CATL, qui se fournit auprès du géant du négoce Glencore, reconnaît que les tensions du marché présentent "un risque". BYD s'est lui associé au groupe chinois de potasse Qinghai Salt Lake pour son lithium: "prévoyant la raréfaction de l'offre, nous nous assurons la sécurité de nos sources d'approvisionnement", avance la directrice de communication Mia Gu.
Des constructeurs rejoignent leurs rangs: Volkswagen cherche à signer pour cinq ans d'approvisionnement en cobalt et Toyota a pris en janvier 15% d'Orocobre, producteur de lithium en Argentine.
Les industriels se montrent simultanément soucieux de leur image, face aux ONG dénonçant le travail d'enfants dans l'extraction du cobalt en RDC: Daimler s'est engagé mercredi à enquêter sur des allégations sur les mines l'approvisionnant. "On veut coopérer directement avec des fournisseurs choisis, s'assurer que la matière sera produite d'une façon éthiquement acceptable", abonde Nicolas Peter de BMW.
Pékin n'est pas en reste: la Chambre de commerce chinoise pour l'import-export de métaux a établi en 2016 "l'Initiative Cobalt responsable", rejointe par des géants de l'électronique comme Apple, mais aussi depuis récemment... par Daimler.
A terme, estime Nicolas Peter, les avancées technologiques pourraient apporter une solution en abaissant drastiquement le niveau de cobalt des batteries, en sabrant les coûts: c'est notamment ce que promet l'américain Tesla.