On ne donnait pas cher de la peau de Mohamed Boussaid, ministre des Finances, quand il annonçait le chiffre stratosphérique de 5 milliards de dirhams comme objectif de rapatriement des avoirs, détenus de manière illégale, par des Marocains à l’étranger. C’était il y a environ un an, quand l’argentier du royaume défendait contre vents et marrées la disposition fiscale permettant une contribution libératoire aux fraudeurs qui voulaient régulariser leur situation. Boussaid, lui même n’a commencé vraiment à y croire que vers fin septembre quand il confiait que les déclarations du mois 9 dépassaient toutes celles réalisées durant les huit premiers mois de l’année. Sa confiance en lui-même s’est accentuée au mois d’octobre: lors de la présentation du projet de loi de finances 2015, il avait lâché le chiffre de 2 milliards de dirhams et avait affirmé que le système d’échange de données bancaires allait forcément permettre d’accentuer la cadence des déclarations. Désormais, c’est quasi officiel les déclarations réalisées pour bénéficier de l’amnistie des changes, made by Bousaid, a crevé l’objectif initial…
Plus de 6 milliards de déclarations
C’est le quotidien économique de référence qui le titre en Une, dans son édition du mercredi 3 décembre: «Les actifs déclarés dépassent les 6 MMDH», en affirmant que le montant a été dévoilé devant le parlement. En gros caractère, la bible des décideurs économiques va encore plus loin: «Contribution libératoire: les guichets bancaires pris d’assaut». Ainsi c’est le rush à moins d’un mois de l’expiration du délai chez les banquiers qui eux, conscient du filon, ont converti leur budget de com’ de fin d’année 2014 en des campagnes de pub dédié à valoriser ce nouveau service. Ce bouchon dans les agences pour déclarer des avoirs, jusque-là gardés à l’ombre dans des comptes ou des murs dans le vieux continent, n’est pas juste un gage de patriotisme: la carotte fiscale de la contribution libératoire impliquant de facto, la promesse du bâton d’un contrôle plus rigoureux y est pour beaucoup. D’autant plus que les accords d’échange d’informations bancaires entre le Maroc et l’Europe (en particulier) facilitent de plus en plus la traçabilité des fonds. «A partir de janvier 2015, les institutions financières françaises exigeront une pièce justificative à défaut de quoi leur compte sera clôturé. En cas de problème d’identification du titulaire, les fonds seront transférés à la CDC française», peut-on lire dans les colonnes de l’Economiste. Comprenez: entre voire son pécule en euros dans les banques de l’Hexagone allait engraisser les caisses de la République et les déclarer en payant une taxe assortie à Boussaid, les Marocains fortunés en devise ont visiblement fait le choix le plus judicieux.
En attendant plus de détails
Jusque-là, le chiffre des 6 milliards n’est pas encore détaillé en matière de provenance des fonds ou de type d'avoirs (comptes, biens immobiliers, valeurs mobilières). De plus, il n’y a pas lieu de crier au grand retour des capitaux marocains qui ont fui le pays depuis des décennies. D’ailleurs, de nouvelles destinations moins contraignantes en termes de transparence que l’Europe, deviennent le point de chute des fortunes marocaines en devises qui veulent rester dans l’ombre. Mais on ne va pas gâcher notre plaisir: les 6 milliards de devises déclarées constituent un matelas confortable pour les comptes de la Nation en manque justement de monnaie convertible. Et surtout l’objectif initial a été atteint. C'est déjà quelque chose d'assez rare pour être saluée!