Avant-première. «Mon père n’est pas mort» ou les années de plomb vues par un enfant

«Mon père n’est pas mort» ou les années de plomb à travers le regard d’un enfant

Les équipes artistique et technique du film «Mon père n’est pas mort», avec au premier plan le réalisateur Adil El Fadili, lors de l'avant-première au cinéma Megarama de Casablanca, le 7 janvier 2025. (A.Gadrouz/Le360)

Le 09/01/2025 à 09h02

VidéoLe long-métrage du réalisateur Adil El Fadili, «Mon père n’est pas mort», a attiré une foule nombreuse lors de sa première projection au Megarama de Casablanca, mardi 7 janvier. L’histoire relate les péripéties d’un enfant de 10 ans à la recherche de son père disparu, sur fond des années de plomb au Maroc. Rencontre du réalisateur atypique et retour sur une œuvre captivante.

C’est dans un univers de couleurs et d’excentricité que Adil El Fadili a convié aussi bien les artistes que les passionnés de cinéma, lors de la projection en avant-première de son dernier long-métrage, mardi soir au Megarama de Casablanca. Le réalisateur dévoile une œuvre incontestable qui mêle une ambiance fantaisiste à un contexte profondément émouvant et poignant, risquant ainsi de surprendre les spectateurs non avertis.

Acclamé et récompensé en 2024 dans de multiples festivals internationaux, «Mon père n’est pas mort» se déroule dans l’univers pittoresque d’une fête foraine, où vivent Malik, un jeune enfant âgé de 10 ans, et son père Mehdi. Lorsque ce dernier disparait, le garçon se retrouve seul dans une quête effrénée, pour le retrouver.

On tend à penser à un parallèle que Adil El Fadili aurait pu faire entre cette image et le décès de son propre père, l’acteur Aziz El Fadili qui nous a quittés en 2021. Pourtant, cette idée que des critiques du cinéma ont avancée est rejetée par le cinéaste: «le titre du film existait avant la disparition de mon père et beaucoup de personnes faisaient le lien avec ça, alors que ça n’a rien à voir», explique-t-il.

Il poursuit: «J’ai eu la chance d’avoir un père passionné, un artiste et d’avoir grandi avec des marionnettes. D’ailleurs, le film, c’est un peu ça, plein de couleurs autour d’une histoire sombre.» Un script plein de rebondissements qui entraine les spectateurs dans les années 1970 dites «de plomb», admirablement évoquées à l’écran. En effet, le père et le fils se retrouvent malgré eux au milieu d’un rassemblement politique tumultueux. Là, Mehdi est violemment pris à partie par deux policiers qui l’accusent de propagande contre le gouvernement, sous les yeux horrifiés de Malik. Plus tard dans la nuit, la police fait une descente brutale à la fête foraine et arrête le père qui ne reviendra jamais…

Malgré la sensibilité du sujet, le réalisateur a opté pour un cinéma engagé, capable de transmettre à la jeune génération les «difficultés historiques» qu’a connues le Maroc, mais aussi de montrer «à cette génération comment le Maroc a évolué après», ce qui fait de ce film une force d’émancipation. Il n’est pas victimaire, ne joue pas sur une corde sensible déjà déployée dans le cinéma marocain, mais préfère construire, et pardonner.

Fatima Atif joue le premier rôle féminin dans «Mon père n’est pas mort» et tient à transmettre le message que l’artiste partage à travers son œuvre cinématographique. «Il a voulu revisiter les années 70, mais il l’a fait avec une approche singulièrement lumineuse, pleine de couleurs», explique-t-elle. Ce choix artistique vise à offrir aux spectateurs marocains une passerelle de réconciliation, pour mieux avancer. Bien que cette période reste une époque marquante de l’histoire du Maroc, le film l’aborde avec humour et sensibilité, un hommage aux racines créatives du réalisateur.

Le rôle émouvant du jeune Malik est campé par Adam Raghal, qui tient son premier rôle d’acteur au cinéma. Son innocence, un fil conducteur dans l’intrigue, est une recherche de la paternité perdue, et du sens à donner à la filiation.

«Mon père n’est pas mort» réunit des valeurs sûres et de nouveaux talents, entre autres, Aziz El Fadili, Mohamed Khouyi, Omar Lotfi, Nadia Kounda, Faouzi Bensaïdi, Didier Bénureau et Abdenbi El Beniwi.

Le tournage de l’opus a été marqué par des défis incessants, comme le souligne le réalisateur: «Les moments forts, ce n’étaient que des difficultés. C’était très difficile.» Ces obstacles relevaient des conditions de production, précise-t-il. Réalisé en seulement deux mois, le film a entièrement été tourné en studio, où une reconstitution méticuleuse du vieux Casablanca des années 1970 a pris forme.

De même, les contraintes budgétaires ont rythmé la production, obligeant l’équipe à interrompre régulièrement le tournage pour trouver des financements avant de pouvoir poursuivre. «À chaque fois qu’on n’avait plus de budget, on devait arrêter pour aller chercher l’argent et continuer le film», confie Adil El Fadili, témoignant de la ténacité et de la passion qui ont porté ce projet jusqu’au bout. Le challenge était ardu. Le résultat est bluffant.

Par Camilia Serraj et Adil Gadrouz
Le 09/01/2025 à 09h02