Je dois vous dire que j’ai longtemps hésité avant de me décider à traiter ce sujet qui est plus qu’épineux. Ce n’est pas que j’ai peur des sujets épineux, au contraire c’est ce qui donne du piquant à mes billets, mais celui-là risque de me coûter cher.
Non, je ne crains pas d’aller en taule. D’abord parce que ça fait un bail que ça ne se fait plus, du moins pas pour ce type de délit, et puis, ceux et celles qui me connaissent ou juste qui suivent depuis plus ou moins longtemps mes délires écrits ou vocaux savent bien que je n’ai pas de thèmes tabous sauf ceux que j’ai moi-même choisi de ne jamais aborder, non par trouille, mais juste parce qu’il y a tellement de collègues qui le font à ma place. Et comme je n’aime pas prendre la place des autres…
En fait, le sujet d’aujourd’hui n’a rien de politique, quoique certains y verraient bien un petit chouya. Bref. Je suis sûr que vous l’avez deviné puisque j’ai déjà vendu la mèche dans le titre, comme on dit chez les gens du cinéma. Oui, il s’agit bien du sujet de la place du sport, et plus précisément, du foot dans la vie des Marocains et des Marocaines en général, et celle des couples en particulier.
Moi qui ne suis pas vieux-vieux -mais pas jeune-jeune non plus- je n’ai pas souvenir que ce phénomène existait de notre temps, du moins avec cette ampleur et cette ferveur.
Je me souviens bien de l’effervescence des passions à la veille ou au lendemain des matchs qu’on appelait à l'époque “derby” et qu’on appelle désormais “classico”, comme par exemple les fameux WAC-Raja, FAR-FUS, ou même un certain MAS-Sidi Kacem, sauf que tous ces grands matchs n’arrivaient qu’une fois par semaine, la plupart du temps le dimanche, jour béni de certains Dieux, haï par tous les boss du monde et adoré par tous les bosseurs de la planète. C’est vrai qu’il y avait de temps à autre, un ou deux matchs joués les s les samedis, mais c’était l’exception qui confirmait la règle formelle qui était: la vie normale les 6 jours de la semaine, et le foot le dimanche.
Oui, mais tout cela, c’était avant. Aujourd’hui, il n’y a presque plus un jour où il n’y a pas un “Grand Match”, parfois 2 ou 3, quelque part sur le globe, lesquels matchs, mondialisation et technologie obligent, seront forcément télévisés et vus par des millions de nos compatriotes de tous les sexes.
Et oui, parce que contrairement à notre époque où il y avait très peu de jeunes filles et encore moins de femmes mûres qui s’intéressaient au ballon rond de peur d’être traitées de garçons manqués, aujourd’hui, ce sont celles qui ne vont pas voir les matchs avec leurs mecs, leurs conjoints ou leurs copains de passage (rayez les mentions inutiles), ou qui n’ont pas d’équipe, de préfèrence étrangère, favorite, qui seront considérées par leur communauté et parfois par l’ensemble de la société, comme carrément des nanas ratées.
Alors qu’avant, à quelques rares exceptions, seuls les fauchés et similaires suivaient les matchs de foot le dimanche, aujourd’hui, mesdames et messieurs, ce sont les Marocains et les Marocaines d’en haut, y compris parmi eux certains intellos, qui osent, sans peur, sans crainte et sans pudeur, déclarer leur amour en public pour l’équipe de leur choix, parfois même leurS équipeS.
Mieux encore, ces nantis ex-anti-peuple mais toujours anti-pauvres, se retrouvent comme ces derniers pauvres, entassés dans des salles bondées et enfumées pour suivre en direct des matchs qui ressemblent comme des gouttes d’eau aux combats de cirque de jadis qui servaient d’exutoires aux misérables et aux affamés. Comme tout cela est étrange!
Il est vrai que ce n’est pas les mêmes salles. En effet, alors que les uns sont dans des cafés assis les uns sur les autres avec au plus un verre de café cassé dans la main, verre qu’ils cassent parfois pour exprimer leur joie ou leur déception, les autres, eux, se retrouvent dans des salons de thé chics ou des grands restaurants chocs autour de bons verres et de bons plats qui se terminent, m’a-t-on rapporté, autour de bons plans. Je ne vous en dirai pas plus. Ah si, encore un dernier mot: les nouveaux footeux et les nouvelles footeuses n’hésitent pas -car ce ne sont pas les moyens qui manquent- à prendre l’avion et faire, selon les préférences de chacun ou les fantasmes de chacune, un Casa-Madrid, ou un Rabat-Barcelone, ou même un Fez-Munich en passant par Paris, Bruxelles ou Genève, et cela souvent en un aller-retour dans la même journée, juste après le match.
En attendant, nos politiques, eux, peuvent continuer de penser tranquillement à revoir le prix du gaz ou des boissons gazeuses, ou taxer celui des cigares ou du champagne, le peuple d’en bas comme celui d’en haut, lui, est très loin sur la planète foot.
Quant à moi qui suis si loin de tout cela mais si proche par la force des choses, je n’ai plus qu’à dire vivement qu’on retourne sur terre.
Et vivement mardi prochain.