J’ai été à la recherche d’une idée toute la semaine.
Qu’est-ce que je vais leur servir, qu’est-ce qui pourrait bien les faire chier?
Et puis non.
Alors que deux-trois sujets de textes dansent dans ma tête, ce soir, je n’ai qu’une seule envie, et je vais y céder: crier ce que je suis, en tant qu’individualité émancipée du groupe, en tant que Marocaine libérée de la pression tribale, en tant que femme qui pense par moi-même.
Mercredi soir, trois bougies allumées, trois spots qui diffusent leur douce lumière au fond du salon (mon salaire, je le mérite, je me suis construite à la force du poignet), et une seule envie: emmerder ceux qui m’ont hurlé dessus, deux semaines durant.
Deux buzz successifs, où j’ai crié mes vérités, en tant qu’humaine formée à penser par moi-même (merci mon école, merci mes bons profs).
Entourée de bouquins très tôt, au beau milieu des dures années de plomb (merci Hassan II, oui, quand même. Ce défunt roi fut cruel, mais a, vaille que vaille, maintenu le trône du Maroc, il le fallait).
Alors une envie, une seule: emmerder, oui, mes détracteurs.
Quand je constate les fautes (d’orthographe, de syntaxe, de grammaire, un mauvais français au service d’une pensée douteuse) de ceux qui ont éructé leur haine de ma personne sur les réseaux sociaux, bien à l’abri derrière leur écran. Quand je vois leur haine d’une femme, alors que je m’expose sous mon nom, et avec mon portrait (merci Michel, vite fait, mal fait, je sais bien que je t’ai pressé, et je m’en contenterai pour le moment) et que je raconte mon idée d’un certain Maroc…
… Une sourde colère m’anime.
Cette colère, je l’exprimerai en trois points. Trois thèmes, bien marocains, qui ne devraient pas faire polémique, qui ne suscitent de vaseuses critiques que du fait de l'ignorance.
1) Je suis juive. Primo (Levi). Avant même que les Arabes ne débarquent sur ma terre, les Juifs y étaient, y vivaient. Les Marocains qui renient ce qu’ils sont, des juifs d’abord et avant tout, je ne suis que pitié pour eux. Oui, nous avons d’abord été juifs et amazighs. Monothéistes et païens, avant l’arrivée de l’islam. J’emmerde donc les antisémites, à pied, à cheval et en voiture. Je suis certes sémite, mais pas seulement la descendante d’Ismaël, l’enfant rejeté d’Abraham. Je suis juive, je vous dis. En conséquence, vous êtes, vous, mes détracteurs, enfermés dans une réalité étriquée, oublieuse de la riche histoire plurimillénaire du Maroc. Oublieux, qui plus est, pauvres de vous, d’un pan immense de ce vous êtes. Ce qui signifie que vous ne vous aimez pas, que vous ne vous acceptez pas. Ça explique cette haine.
2) Je suis, moi, femme, un être pensant. C’est à dire qu’un homme pourvu d’un zizi (une zigounette, un phallus, une tota pour les intimes) n’est pas supérieur à moi, en ce qui concerne la production neuronale. Il n’est supérieur à moi en rien, d’ailleurs. Cette semaine, j’ai remis à sa place un de mes collègues qui s’imagine, dans ses incroyables fantasmes, qu’il pourra épouser une seconde femme un jour (l’inverse n’est, pour lui, absolument pas vrai). Tu te reconnaîtras, car je corrige ta prose, quotidiennement. Je te fais donc la preuve par A + B, tous les jours, du fait que tu n’es en rien supérieur à moi. Tu ne veux toujours pas le comprendre? Comment faut-il te l’expliquer?
3) Les Marocains lisent durant 2 minutes, en moyenne, par jour. Je ne sais d’où sort cet affligeant chiffre, qui a été livré en conférence de rédaction, Le360 réuni presqu’au complet, hier, mercredi 1er mai. Je veux bien le croire, car les librairies, les vendeurs de livres d’occasion sont désertés, et je ne vois jamais un de mes compatriotes, un bouquin à la main, à la terrasse d’un café, ou dans la rue. Deux minutes à peine par jour, pour chaque Marocain, ça fait de nous des incultes en puissance. Et donc des haineux, des obtus en puissance. Réveillez-vous, vous êtes des illettrés. Et en plus, vous osez parader et ouvrir votre bec. On ne peut causer que si l’on en sait un minimum. Zéro classique lu, zéro référence en tête, ça a grandi comme ça a pu, et ça ouvre grand sa gueule. Mais allez donc vite vous cacher dans un trou, ouvrez-y humblement un bouquin, voire deux ou trois.
Sachez-le: je vous emmerde, en bien grand, mes détracteurs.
Dites-vous bien que je serai là encore, jeudi prochain.
Toujours énervée.
Peut-être un peu plus apaisée.
Je continuerai à décrire mon pays, ses habitants, ici, de la manière généreuse dont je conçois la vie.
Une Marocaine en colère, qui vient de hurler après une meute enragée.
Une Marocaine fière de réfléchir librement.