Un jour une amie m’avait demandé, sincère et sans doute naïve: «Dis-moi, quelles sont les bonnes causes, celles qu’il faut soutenir?». J’ai bien sûr souri pour cacher mon malaise. Les bonnes causes, ça ne se commande pas dans un catalogue de produits électroménagers. Les mauvaises causes, non plus. Et puis, il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises causes. Ça ne marche pas comme ça.
Alors j’ai répondu quelque chose comme: «Je n’en sais rien, ferme les yeux et laisse-toi guider par tes émotions».
Réponse générique, bien sûr, qui veut tout dire sans rien dire de particulier. Les émotions, c’est sincère. Mais ça peut induire en erreur. Parce que ça déborde, et parce que ce n’est jamais constant.
Au Maroc, nous avons encore des gens qui perdent leur temps à «lutter» contre la liberté des autres. Ils luttent de toutes leurs forces contre l’homosexualité, l’égalité homme-femme en matière d’héritage, le droit à l’adoption, à l’avortement, ou la liberté de ne pas observer le jeûne en période ramadan. Ils le font le plus naturellement du monde, comme si cela allait de soi.
Toutes ces questions, toutes ces «causes» les blessent au plus profond. Ils y voient une menace pour le modèle de société que l’école ou la famille ont inscrit dans leurs gênes. Ils y voient une offense à dieu et à la religion. Une offense aussi à la nature et à la morale qui ont fait ce monde.
Pauvre d’eux!
Dans la liberté de culte, la liberté de conscience, la liberté de disposer de son corps ou de gérer sa vie sexuelle et personnelle, ils ne voient pas la liberté des autres mais la menace que cette liberté fait peser sur leur modèle de société. Alors ils cultivent la haine et en font une cause légitime.
Ces gens sont les mêmes qui soutiennent, par exemple, les Palestiniens qui tombent sous les balles israéliennes. Soutiendront-ils ces mêmes Palestiniens quand ils sont homosexuels, athées, soutiendront-ils tous ces individus qui mettent en avant leur liberté de corps et d’esprit?
Il est facile de soutenir le pauvre contre le riche, le faible contre le fort. Il est facile de rejoindre les grandes causes communautaires où la culture à laquelle nous appartenons est mise à mal. Il est facile de soutenir grossièrement les Tchétchènes, les Rohingyas et tous les musulmans victimes d’injustice ou de discrimination.
C’est un soutien passif, sans effort notable, les yeux fermés. Mais qui ne va pas bien loin…
Tenez, en France, un secrétaire d’Etat d’origine marocaine vient de faire son coming-out. Il est, permettez-moi l’expression, sorti du bois pour dire stop à l’homophobie, stop à la haine. Combien au Maroc sont-ils prêts à le soutenir? Combien seront-ils à comprendre que Mounir Mahjoubi vient de faire une déclaration d’amour à la liberté et un acte de lutte contre la haine?
Combien, au contraire, n’y verront qu’un acte de ralliement au grand Satan (l’Occident, qui d’autre?) qui pervertit les âmes et les esprits?
En ces jours où le boycott est de mise, beaucoup seraient inspirés de boycotter la haine, toutes les haines, encore plus que certains produits de grande consommation. Amen.