Le football est un sport de brutes gorgées de sueur et de testostérone. C’est ce qu’on dit. Il n’est pas aussi noble que la boxe ou le rugby. Il n’est pas raffiné comme le golf ou propre et logique comme le tennis. Non. Le football est instinctif et «animal» comme le rock & roll. Il est bête et stupide, il procure un plaisir futile et jamais durable, comme une mauvaise drogue bonne à abrutir les masses.
Franchement, vingt deux joueurs qui courent derrière un bout de cuir, et des millions d’individus prêts à tuer leur mère pour que le ballon vienne mourir dans les filets, quelle perte de temps et d’énergie, quelle absurdité!
Et je ne parle pas du QI des soi-disant stars du foot, proche de celui d’une huitre. Je ne parle pas de ces sponsors qui jettent des millions par les fenêtres, de ces commentateurs chauvins et logorrhéiques, de ces dirigeants qui arrivent à être moins crédibles que des hommes politiques, ce qui est une colossale entreprise. Quelle misère, quel anéantissement!
Et pourtant!
La meilleure façon d’apprécier le football n’est pas de le regarder en observateur neutre et objectif, mais en supporter fou, fou. Laissez votre tête au frigidaire, regardez le match avec vos tripes, laissez l’émotion l’emporter sur tout le reste. Tant pis si c’est complètement irrationnel, mais vous verrez alors comment le plaisir du foot, cette émotion pure et totalement incontrôlée, peut vous emmener très haut, très loin.
Comment résister à l’explosion de joie, aux embrassades entre inconnus, aux excès vertigineux et au grand n’importe quoi, quand votre équipe plante un but, alors qu’elle est sérieusement malmenée? Je n’ai pas de réponse, je n’en connais pas.
Le plus beau but, la plus grande émotion, c’est ce but pourri, marqué sur un cafouillage ou un faux rebond, avec l’aide du gardien adverse ou de l’arbitre, voire sur hors-jeu flagrant, peu importe. Le plus beau but, c’est celui-là, il est horrible et injuste mais il est beau parce qu’il vous a procuré la plus extraordinaire des émotions. Il vous a fait faire n’importe quoi. Il vous a littéralement jeté en enfance, des années en arrière, il vous a envoyé dans le monde des merveilles.
En un mot, ce but vous appartient et vous pouvez en faire ce que vous voulez!
Quand on demande à un homme quelle est la femme de sa vie, ou la plus belle femme au monde, il répond invariablement: maman. Parfois il répond: ma femme, ma fille, ma soeur. Il ne va pas chercher loin. La plus belle femme, c’est celle qui partage sa vie ou qui l’a mis au monde. Ce n’est pas très rationnel. Parce ce n’est pas la tête qui parle mais le cœur.
Le football, c’est un peu pareil. Le plus beau but n’est pas celui de Maradona quand il dribble toute l’équipe d’Angleterre à lui seul, mais celui que met un Lion de l’Atlas avec l’aide involontaire d’un très mauvais gardien. C’est le bonheur de l’instant et il est pur, très pur.
C’est la seule chose au monde qui vous oblige à embrasser la tête ou la main de la première personne qui passe. Dieu sait que cela n’a pas de prix.