Dimanche la France sera peut-être championne du monde. Pour cela, elle doit écarter la Croatie. La finale sera un événement à dimension planétaire, qui dépasse loin le seul cadre du football.
Mais pour cette finale, les Marocains seront très nombreux…à supporter la Croatie. C’est étrange. Les «Croates» sont nombreux parmi nous. Certains aiment ce jeune pays de 4 millions d’habitants au nationalisme exacerbé (c’est le propre de toutes les jeunes Nations à l’indépendance ou à la création récente, notamment dans l’ancien bloc de l’Est) pour son football chatoyant. Et peut-être pour sa présidente étonnamment sexy.
Mais beaucoup de Marocains vont supporter la Croatie…parce qu’ils n’aiment pas la France. Ça n’a rien à voir avec le football.
Ces mêmes personnes ont supporté la Belgique en demi-finale, l’Uruguay en quart et l’Argentine en huitième pour la même raison. Ils n’aiment pas la France, point à la ligne.
La montée de ce sentiment anti-français est très visible en période de Coupe du Monde. Parce que le football sert à ça. C’est un révélateur. Ça vous fait sortir de ces choses…
J’ai assisté à la demi-finale France-Belgique au milieu d’une bande exclusivement anti-française. J’en étais le premier étonné. Mes amis sont tous francophones et francophiles dans la vie de tous les jours. Ils suivent de très près l’actualité française. Ils ont de la famille et des amis là-bas. Ils passent leurs vacances et leurs stages de formation en France. Tous se battent, tous les ans, pour envoyer leurs enfants dans les meilleures écoles françaises. Et ils paient le prix fort pour cela.
Mieux: beaucoup de mes « amis » sont binationaux. Ils sont Marocains et Français aussi. Et avec ça, ils soutenaient la Belgique contre la France. Et demain ils vont soutenir la Croatie contre la France!
Et ça n’a rien à voir avec le football, je vous prie de me croire.
Le football met à nu certains sentiments. Avec lui, comme pourrait dire un Sacha Guitry, on ne saurait cacher ces sentiments qu’il ne faudrait peut-être ni voir ni ressentir. Mais c’est comme ça. C’est plus fort que nous. Le football est passé par là, ouvrez bien les yeux et regardez les dégâts.
Ce sentiment anti-français, que le football rend si visible, n’est pas nouveau. Il y a 40 ans, il y a 20 ans, on l’avait déjà.
Même le recul que nous offre le temps (par rapport à la douloureuse période du Protectorat) n’y a rien changé. Le merveilleux métissage de cette équipe de France, et de cette France tout court, qui compte aujourd’hui plusieurs «Marocains» parmi ses ministres et ses plus beaux symboles, n’a rien changé non plus.
Je me souviens avoir dit à l’un de mes amis, lors de cette fameuse demi-finale: «Mais ouvre les yeux, tu ne vois pas que cette France d’aujourd’hui…se met un peu à nous ressembler?».
Inutile de vous qu’il m’a répondu, en haussant les épaules: «Oui, et alors? Moi je suis pour la Belgique (et plus tard pour la Croatie)!».