J’ai été glacé en écoutant le chef du gouvernement nous dire, à sa manière: «Confinez-vous, restez chez vous, cachez-vous!». Mon Dieu, trois nouvelles semaines supplémentaires de confinement. «Trois semaines au moins !», prévenait-il, fièrement, gravement, solennellement.
Ce n’est pas le prolongement qui m’a glacé le sang. Parce que je m’y attendais, comme 99 % des personnes qui s’intéressent aux affaires de ce pays. On n’allait quand même pas lâcher les chevaux, après deux mois de confinement, la veille de l’Aïd El Fitr, le jour des retrouvailles familiales, des embrassades, des effusions sentimentales, et de tous les contacts possibles.
Non, le problème n’est pas le confinement lui-même mais le ton et le contenu de cette intervention. Monsieur le chef du gouvernement a parlé comme un oracle à la veille d’une attaque nucléaire. Le ciel va nous tomber sur la tête. Nous sommes tous potentiellement radioactifs. Il faut fuir, fuir…
A l’écouter, le seul moyen de lutter contre la propagation du virus est le confinement, rien que le confinement. Et le travail, alors? Et le retour à la vie? Et les plans de relance économique? Et le déconfinement?
Monsieur El Othmani a fait comme si nous allions rester confinés le restant de nos jours. Le confinement, c’est la solution. Il fallait vendre cette idée, alors il l’a vendue. Et merci, au revoir.
Nous avons eu droit à un discours de peur. Une fuite en avant. Le ciel va nous tomber sur la tête, alors cachons-nous trois semaines de plus. Trois semaines, au moins. Et puis, quoi encore?
Nous avons eu un discours de paranoïa. Le chef du gouvernement a même fait un étonnant clin d’œil aux va-t-en-guerre, en glissant à son tour que «le virus est peut-être sorti d’un laboratoire». La théorie du complot, voilà.
Que vient faire une telle insinuation, avec le délire auquel elle appelle (les super puissances qui nous veulent du mal, les capitalistes qui inventent une maladie pour mieux vendre le remède, etc.), au moment où les Marocains attendent un discours rationnel, qui leur explique la situation par A+B et leur propose un plan de sortie de crise.
L’idée, c’est de faire peur aux Marocains pour les obliger à rester chez eux? C’est ça?
Et sinon, il n’y avait rien d’autre à leur dire, il n’avait pas moyen d’en placer une, des choses plus «adultes» par exemple, comme «Il est temps de se remettre au travail », «Protégeons-nous, soignons-nous, mais continuons de vivre… et de travailler malgré tout»?
Finalement, le discours de normalisation et de rationalisation est venu, 24 heures plus tard, du ministre des Finances. Aux fonctionnaires et aux entrepreneurs, à nous tous, il a dit en substance, en expliquant quand et comment: «Allez, au travail!».
Etant donné les circonstances, j’ai presque envie de lui dire: «Ouf… merci!».