Un dirigeant salafiste algérien a entrepris de lancer une violente campagne contre le poète et homme de Lettres syrien Adonis, excommunié par le dénommé Abdelfettah Ziraoui Hamadache, chef du parti non agréé Front de la Sahwa. Ce prédicateur, qui a longtemps vécu en Arabie Saoudite, a lancé un appel aux sunnites du monde entier en les appelant à "brûler les livres, recueils et lettres de l’athée" Adonis qu’il accuse d’avoir offensé de grands dirigeants musulmans tels Mouaouia, Khaled Ibn El-Walid, Salaheddine El-Ayoubi (Saladin) et d’avoir appelé à détruire les grandes villes sunnites où ils ont vécu, notamment Damas, Homs et Deraa. Loin de s’arrêter là, le prédicateur salafiste, qui déclare Adonis apostat, promet de brûler lui-même l’œuvre du poète et de publier les photos de cet autodafé.
Adonis invite son détracteur à s’instruire
Le poète n’a pas hésité à répondre, avec verve, à cet adepte du "takfir" qui se permet de lancer une fetwa contre lui pour le déclarer apostat selon une pratique moyenâgeuse qui a refait son apparition dans le monde moderne sous le visage du nazisme, du fascisme et de l’extrémisme religieux. Adonis a ainsi rappelé ces héritages de l’histoire qui ont mené aux pires dévastations et invité son détracteur à étudier la langue arabe avant de se poser comme le porte-parole de l’Islam.
A ce prédicateur salafiste qui ne comprend rien ni à la poésie ni, par là-même, aux subtilités de la langue arabe, Adonis conseille de "s’instruire pour être à la hauteur". Et ce d’autant plus qu’Adonis n’est pas l’auteur des poèmes que Hamadache l’accuse d’avoir écrit. Donc, non seulement certains illuminés continuent de lancer aveuglément des fetwas contre poètes et écrivains mais ils sont prêts à aller jusqu’à falsifier l’œuvre pour atteindre celui qu’ils ont désigné comme « l’adversaire » du moment. A ce propos, Adonis relève en effet qu’il suffit de lire les poèmes qu’on lui attribue pour réaliser qu’il n’en est pas l’auteur.
Les propos de Hamadache : "Une agression contre l’Islam"Pour l’homme de lettres, les propos du salafiste algérien ne sont d’ailleurs ni plus ni moins qu’"une agression contre l’Islam, contre la culture et l’histoire de l’Islam". Né en Syrie, dans une communauté chiite, Adonis a rappelé à cette occasion qu’il a toujours été contre les perspectives communautaristes et le détournement de la religion à des fins politiques. Et c’est à ce grand défenseur de la laïcité, à ce philosophe et homme de lettres qui a participé à la modernisation et au rayonnement de la poésie arabe, qu’ont choisi de s’en prendre les salafistes algériens qui se sont impunément immiscés dans la guerre civile syrienne qu’ils viennent complexifier en en faisant une guerre contre les chiites et en s’y faisant les petits soldats -meurtriers- de Ryadh.Qu’ils viennent s’en prendre aujourd’hui à l’une des plus grandes figures de la poésie syrienne n’est pas vraiment étonnant. Qu’ils ne l’aient jamais lu encore moins. Ils seront néanmoins les seuls à vouloir brûler la voix d’Adonis. Une icône de la poésie arabe moderne, un homme de paix connu pour ses positions laïques et qui a toujours mis en garde contre les positions sociocentristes, a appelé Bachar à quitter le pouvoir tout en soulignant la radicalisation de l’opposition en Syrie, un poète en contact avec son temps, en prise avec les douleurs de son temps et de sa terre où se sont invités des intrus arrogants qui prétendent parler au nom de cette terre sienne et de tous les musulmans du monde.