Lundi dernier, et alors que des pluies diluviennes s’abattaient depuis quelques jours sur Tanger, l’inondation d’un atelier de textile, opérant «clandestinement» depuis une décennie dans le souterrain d’une villa, a causé la mort de 28 personnes.
Le quotidien Al Massae de ce mercredi 10 février a choisi de faire un reportage chez les familles des victimes. Les témoignages sont poignants. Comme celui de ce père qui dit avoir accompagné, à l’aube du jour du drame, ses deux filles jusqu’au bord de la route où elles attendaient le passage de la voiture transportant le personnel de l’atelier où elles travaillent. «Quelques petites heures seulement après leur départ, on m’appela au téléphone pour me demander de me rendre d’urgence, sous un déluge, à leur lieu de travail», raconte-t-il. Sur place, il apprend que l’une de ses filles est morte noyée, malgré les tentatives désespérées de sa sœur, survivante miraculée, qui la tirait par les bras pour la sortir de l’atelier, avant que la puissance du courant d’eau ne les sépare à jamais.
La séparation douloureuse sera également le lot de cette mère divorcée, venue de Fès il y a quelque temps avec ses quatre filles âgées de 26 à 34 ans à la recherche d’un travail. Elles finiront par s’engager ensemble dans ce macabre atelier de textile. La mère, qui travaillait ce jour fatidique à l’étage supérieur, affirme qu’au cours des quelques instants qu’a duré le drame, elle entendait très distinctement les cris de détresse de ses quatre filles avant qu’elles ne rendent l’âme.
Al Massae rapporte également d’autres témoignages de colère des habitants de la ville de Tanger. Particulièrement ceux qui ont assisté au drame. Mais il est normal que, dans ces circonstances, des voix, encore sous l’effet du choc, s’élèvent de toutes parts pour faire endosser la responsabilité de ce drame tantôt au Wali de la région, tantôt au prétendu retard de la protection civile, tantôt au gouvernement El Othmani.
Sur ce registre, comme le précise le quotidien Assabah, il va falloir attendre les résultats de l’enquête officielle qui sera menée pour faire toute la lumière sur ce drame.
Dans un reportage intitulé « Lundi noir », Assabah, rapporte que, dans l’atelier de textile dédié à la confection de chemises de marques internationales, des hommes-grenouilles de la protection civile sont intervenus rapidement. Mais, malheureusement, leur plongée dans ce garage souterrain, devenu subitement une piscine fermée de 3 m de profondeur étendue sur 150 mètres carrés, n’a permis que de sortir les 28 corps inertes de 8 hommes et 19 femmes, à la fleur de l’âge. 17 employés auraient réussi à s’extirper à temps de ce traquenard meurtrier.
Assabah rappelle que cet atelier, dit clandestin, est actif depuis quelque dix années et emploie 150 personnes, travaillant en système de rotation par équipes. D'ailleurs, selon le quotidien, Tanger abrite des centaines d’ateliers et usines clandestins, où travaillent des milliers d’employé(e)s, dans le total irrespect des conditions imposées par le code du travail (salaires modiques, travail non-stop et absence totale de sécurité). Malgré leur illégalité, certains ateliers clandestins disposent pourtant d’un contrat légal d’électricité haute tension, ce qui laisse entendre que les représentants de nombreuses administrations, dont la protection civile et le délégataire de la gestion de l’eau et assainissement, ne font pas correctement leur travail, précise Assabah.
Tous ces dysfonctionnements, que le drame de Tanger a mis à nu, ont fait l’objet de deux éditoriaux à la Une d’Al Ahdath Al Maghribia, qui concluent que les ateliers clandestins et le destin ont la même signification, celle de la mort-surprise inexplicable.