Les diverses formes de violence à l’égard des femmes renvoient à une réalité qu'on sait ancienne. Toutefois, la présence des femmes dans les espaces publics renvoie plus directement à la question de la violence et plus particulièrement à celle du harcèlement sexuel, et interpelle.
A la différence des violences familiales ou domestiques, celles perpétrées dans les lieux publics, font souvent l’objet d’une attention particulière car elles sont généralement commises au su et au vu de tous. C’est le principe même de l’égalité entre les hommes et les femmes dans les espaces publics qui est remis en cause.
Selon les résultats de l’ENPVEF (enquête nationale sur la prévalence de la violence à l’égard des femmes) réalisée par le HCP en 2009, il semble que les femmes ne soient pas toujours en sécurité dans les espaces publics, plus particulièrement dans les villes, et ne puissent pas jouir de leurs droits, au même titre que les hommes, dans ces lieux en raison des violences perpétrées à leur égard.
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40,6% des femmes ont été victimes au moins une fois d’un acte de violence
En effet, l'enquête révèle qu’en milieu urbain, sur une population de 5,7 millions de femmes âgées de 18 à 64 ans, 2,3 millions, soit 40,6%, ont été victimes au moins une fois d’un acte de violence, sous une forme ou une autre, dans un espace public de leur ville durant les douze mois précédant l'enquête.
Par forme de violence, la plus fréquente est la violence psychologique qui touche 1,9 million de femmes, soit près du tiers (32,1%) des citadines. Les violences physiques occupent la deuxième position avec 808.000 victimes ou 14,2% de citadines.
Dans les lieux publics, les atteintes à la liberté individuelle et les violences sexuelles, dont on excepte le harcèlement sans attouchement, concernent respectivement 4,5% (427.000 victimes) et 3,9% (372.000 victimes) des femmes en milieu urbain.
Les femmes victimes de violences dans les lieux publics de nos villes appartiennent à toutes les tranches d’âge et toutes les catégories sociales.
Par âge, le taux de prévalence passe de près de 25% parmi les citadines de 50 à 64 ans à 58,3% parmi les plus jeunes (femmes de 18 à 24 ans). Par forme de violence, ce sont toujours les femmes jeunes qui sont les plus touchées. Ainsi, le taux de prévalence des violences parmi les jeunes de 18 à 24 ans est de 51,1% pour les violences psychologiques, 18,2% pour les violences physiques et de 8,8% pour les violences sexuelles.
La femme handicapée n'est pas épargnée
Une autre réalité révélée par l’ENPVEF c’est que même si la femme présente un handicap, son état ne l’épargne pas de la violence perpétrée dans les espaces publics. Ainsi, le taux de prévalence de la violence dans les lieux publics urbains parmi les femmes qui ne présentent aucun handicap ne dépasse que de 6 points celui enregistré parmi celles qui présentent un handicap.
Par acte de violence, le harcèlement sans qu’il y ait attouchement vient en première position avec un taux de prévalence de 26,7%. Il est suivi par les insultes et les dénigrements et le vol d’objets personnels avec usage de la force (avec un taux 11,6% chacun), les agressions physiques (gifles, coups, etc.) avec 1,8% et les agressions avec un objet contondant ou un produit dangereux (acide par exemple) avec 1,5%. Les menaces d’agressions avec un objet contondant ou un produit dangereux dans les espaces publics urbains touchent 1,5% des femmes citadines.
Uniquement 18,8% des victimes portent plainte
L’ENPVEF a révélé que la majorité des auteurs des violences dans les espaces publics urbains sont jeunes ne dépassant pas 35 ans et il en est de même des victimes de ces violences, et que la majorité des victimes (67,6%) parlent de la violence subie dans ces espaces, le plus souvent, à un membre de la famille.
Cependant, l’enquête a révélé également que 18,8% seulement des victimes de ces violences survenues dans les lieux publics urbains s’adressent à une autorité compétente pour déposer plainte. Les actes les plus rapportés aux autorités compétentes sont les agressions avec un objet contondant ou produit dangereux (43,5% des cas), la menace avec un objet contondant ou produit dangereux (37,7%), les gifles, les coups de poing ou de pied et autres violences physiques (23,7%), le vol perpétré avec force (22,4%) et les insultes (7,4%).
En guise de conclusion, les résultats de l’ENPVEF montrent que la violence à l’égard des femmes dans les espaces publics urbains est en particulier le fait des jeunes, tant en termes de victimes qu’en termes d’agresseurs, et que la saisie des autorités compétentes par les victimes pour déposer plainte reste encore faible.