Décès post-partum à la clinique «Jnane Taddart»: hypothèses des causes de la mort, délai du rapport médico-légal... Ce que l’on sait

La clinique Jnane Taddart à Casablanca. (K.Essalak/Le360)

Le doute plane toujours autour du décès de deux jeunes femmes, survenu le 7 janvier 2025 à la clinique «Jnane Taddart» de Casablanca, lors d’accouchements par césarienne. Les familles endeuillées attendent les conclusions du rapport médico-légal. Voici les explications du professeur Hicham Benaich, chef de service de médecine légale au Centre hospitalier universitaire Ibn Rochd de Casablanca.

Le 16/01/2025 à 17h33

Une double tragédie a frappé, mardi 7 janvier 2025, la clinique Jnane Taddart de Casablanca, où deux femmes ont perdu la vie lors de leurs accouchements. Les familles, dévastées, attendent impatiemment les résultats des autopsies. Le mari de Kenza B., l’une des victimes, témoigne: «À ce jour, nous n’avons toujours pas reçu les résultats de l’autopsie, ce qui nous plonge dans une grande incertitude et rend notre douleur encore plus difficile à supporter.»

Sollicité par Le360, le professeur Hicham Benaich, chef de service de médecine légale au Centre hospitalier universitaire Ibn Rochd de Casablanca, explique que le délai d’obtention des résultats d’un rapport médico-légal est variable. Bien que certains résultats puissent être disponibles sous un ou deux jours, l’analyse peut parfois prendre plusieurs semaines: «Cette variation dépend de la complexité de chaque cas. En effet, certaines causes de décès sont facilement identifiables lors de l’examen initial, tandis que d’autres nécessitent des examens complémentaires plus approfondis, notamment des analyses microscopiques.»

Une partie des analyses est effectuée directement dans les laboratoires de l’hôpital universitaire. D’autres types d’examens, tels que les analyses toxicologiques (recherche de substances toxiques), sont confiés à des laboratoires spécialisés relevant de la police scientifique ou de la gendarmerie royale, explique notre interlocuteur.

L’hémorragie post-partum, une cause fréquente de décès maternels

Que pourrait donc cacher un décès maternel? Selon le chef de service de médecine légale au CHU Ibn Rochd de Casablanca, une hémorragie post-partum, complication grave survenant après l’accouchement, peut s’avérer mortelle si elle n’est pas prise en charge avec une extrême rapidité. La cause principale de cette hémorragie est l’atonie utérine, c’est-à-dire l’incapacité du muscle utérin à se contracter efficacement après l’expulsion du placenta.

Ce risque d’hémorragie post-partum existe aussi bien lors d’un accouchement par voie basse (naturel) que lors d’une césarienne, précise le médecin. De plus, comme l’indique Hicham Benaich, la survenue d’une telle complication n’est pas systématiquement liée à une faute médicale. Même avec une prise en charge médicale optimale et dans les établissements hospitaliers les plus performants, une hémorragie post-partum grave et fatale peut malheureusement survenir.

Les familles des deux victimes, elles, soupçonnent un choc anaphylactique. Expliquant ce qu’une telle réaction signifie, le professeur Hicham Benaich indique que certains patients sont susceptibles de développer une allergie à des composants présents dans les anesthésiques: des substances qui peuvent induire une réaction d’hypersensibilité ou avoir des répercussions sur certains organes vitaux, tels que le cœur ou le foie.

Pour cette raison, avant toute opération, les médecins anesthésistes examinent le dossier médical du patient, évaluent les risques liés à l’anesthésie et à l’intervention, et peuvent prescrire des examens biologiques ou des imageries spécifiques. Malgré ces précautions, le risque zéro n’existe pas, avertit le chef de service de médecine légale au CHU de Casablanca.

Hicham Benaich ajoute que les décès maternels, survenant pendant ou après l’accouchement, sont souvent considérés comme des morts naturelles et ne donnent pas lieu systématiquement à une enquête judiciaire. Cependant, la loi permet aux familles de contester cette qualification. En effet, lorsqu’une famille émet des doutes sur la prise en charge médicale ou les circonstances du décès, elle a le droit de refuser de récupérer le corps et de demander l’ouverture d’une enquête par les autorités compétentes (police ou procureur). Cette démarche constitue un droit fondamental des familles.

Suite à une telle demande, le procureur peut ordonner une autopsie afin de déterminer les causes exactes du décès. La procédure se déroule généralement en plusieurs étapes. Tout d’abord, le médecin légiste examine attentivement l’historique médical de la patiente, les traitements administrés, les examens réalisés, etc. Sur la base de cet examen, il émet des hypothèses sur la cause probable du décès, précise-t-il.

En quoi consiste l’autopsie?

L’autopsie a pour objectif de confirmer ou d’infirmer ces hypothèses. Elle consiste en un examen approfondi du corps, explique notre interlocuteur, avant de préciser que dans certains cas, des prélèvements d’organes (utérus, cœur, reins, cerveau, etc.) sont effectués pour des analyses microscopiques plus poussées, permettant de rechercher des anomalies ou des lésions. Des analyses sanguines sont également réalisées pour doser les médicaments administrés et vérifier leur concentration. Ces analyses permettent de s’assurer que les traitements ont été administrés conformément aux protocoles et qu’ils n’ont pas contribué au décès, ajoute le médecin.

Bien que le professeur Hicham Benaich ne se prononce pas spécifiquement sur les deux décès survenus dans la clinique Jnane Taddart, il souligne que seules les conclusions du rapport médico-légal pourront déterminer avec précision les causes exactes de ces décès et établir si une éventuelle erreur médicale a été commise.

Pour les familles des deux victimes, l’attente de ces conclusions est un supplice. «Ces résultats sont essentiels pour comprendre ce qui s’est passé et déterminer si des responsabilités doivent être établies. Nous avons besoin de réponses pour avancer, que ce soit pour faire notre deuil ou pour entamer des démarches judiciaires», confie le mari de Kenza, la voix brisée par le poids du deuil et l’attente insoutenable de la vérité.

Par Fatima Zahra El Aouni
Le 16/01/2025 à 17h33