Après quelques jours d’hésitation, le PJD décide de se joindre à l’opposition dans sa cavale contre le RNI, l’accusant de pratiquer la charité électorale. Dans un communiqué diffusé par son secrétariat général, mercredi à l’issue de sa dernière réunion, le parti islamiste reprend les accusations contre ce parti sans le citer, bien sûr. Il reprend pratiquement les termes du communiqué conjoint diffusé quelques jours plus tôt par le PAM, l’Istiqlal et le PPS. Et si tous ceux qui s’en sont pris au RNI sur la base de fake news et autres publications peu crédibles sur les réseaux sociaux se trompaient de cible? s’interroge l’hebdomadaire La Vie éco dans son édition du vendredi 30 avril.
Dans tout le pays, «elle est connue la partie qui utilise les paniers depuis 15 ans et qui a réalisé, à travers ces actions, de grands bénéfices politiques», souligne dans ce sens le député et membre du parti politique du RNI, Mustapha Baitas, en réponse à ces accusations. Tout cela avec des fonds publics, insiste le député qui intervenait lors d’une séance de questions orales au Parlement. Depuis qu’il dirige le gouvernement, en 2011, le PJD a insisté pour avoir les commandes de deux départements clés. Le ministère de la Solidarité, de la femme, de la famille et du développement social et le département chargé des Relations avec la société civile qu’il a d’ailleurs créé en toutes pièces.
Sur les quatre ministres qui ont dirigé ce dernier département, deux ont mené une large consultation nationale avec des contacts directs avec les associations. Le débat national sur la société civile mené par Habib Choubani, qui lui a permis de toucher plus de 7.000 associations entre 2013 et 2014 et la campagne de communication autour de la démocratie participative menée en 2019 par Mustapha El Khalfi.
Au cours des dix dernières années, le PJD a pu constituer autour de lui une nébuleuse de plus de 37.000 associations, dont plus de 15.000 qui lui sont directement liées ou qui sont liées à son bras idéologique le MUR. Ces associations, comme tout le monde le sait, sont le véritable fer de lance de la charité électorale, dans toutes ses formes, pratiquée à longueur d’année par le parti islamiste.
A travers les deux département qu’il dirige, celui de la Solidarité qui est doté d’un budget de près de 750 millions de dirhams (2021), le PJD contrôle directement deux instruments efficaces en la matière, l’Entraide nationale et l’Agence de développement social. Avec un budget de 110 millions de dirhams (2019), l’ADS intervient pour améliorer les conditions de vie des populations les plus vulnérables. Quant à l’Entraide nationale, qui a pour mission d’apporter aide et assistance aux populations et de contrôler les œuvres privées d’assistance et de bienfaisance qu’elle subventionne, elle a pu toucher, en 2018 par exemple, une population de plus de 580 000 personnes.
Selon l’hebdomadaire, le parti islamiste intervient également à travers les budgets des collectivités locales pour financer les associations. Plusieurs dysfonctionnements ont d’ailleurs été relevés dans ce cadre ces dernières années. Le principal reproche fait aux gestionnaires des affaires locales est de privilégier les associations qui gravitent autour de lui et de son bras idéologique.
Bref, souligne la Vie éco, on retrouve facilement dans l’action du PJD, à travers les organismes et institutions publics, un modèle qui a été mis au point par les islamistes au pouvoir en Turquie. Le mécanisme est le même: mobilisation des municipalités et de leurs ressources, exploitation des régimes d’assistance sociale de l’Etat, pour servir les intérêts du parti. Et comme en Turquie ou là où s’est incrusté l’islam politique, les retombées électorales de cette charité politique, réalisé grâce aux deniers publics, n’ont jamais manqué le rendez-vous. La fulgurante ascension électorale du PJD depuis 2002 en témoigne.