L’équation est simple: ou bien nous réglons la question sociale, ou alors différents types de violences, dont nous avons déjà vu les premiers signes, prendront le dessus…Là où trop peu d’actions sont réellement menées –actions dont l’objectif devrait être de résorber la très grande vulnérabilité d'un trop grand nombre de nos compatriotes– soyons conscients que c’est alors bel et bien la violence la plus aveugle qui s’imposera.
Car, en vérité, depuis qu’un certain 25 novembre 2011 a porté au gouvernement un nouvel attelage dont le PJD –parti qui avait construit une forme de légitimité sur «un discours à la société en perdition», croyant qu’il suffisait de décréter la moralisation, et le retour de la morale– était le pivot, à quoi avons-nous assisté? À des querelles sur les mini-jupes, à des invectives, des anathèmes et des vœux pieux...
Cela a pu amuser un temps, mais s’est révélé incapable de placer la question sociale au-dessus de toutes les autres, d’en faire l’objet principal d’une politique responsable, ancrée dans la réalité de millions de Marocains. Lesquels?
Les uns, survivants dans des villes qu’un libéralisme a transformées en jungles urbaines –faisant qu’un cireur de chaussures de 10 ans dort dans un hall d’immeuble–, les autres, enclavés dans des régions trop lointaines pour les meetings enflammés.
Du reste, fallait-il s’en remettre à Bassima Hakkaoui, dont les capacités semblent se situer ailleurs, pour une question aussi centrale que vitale? Ce ministère a élevé le vide au rang d’approche stratégique.
Cette non-approche fait que la question sociale est loin d’être la préoccupation des gouvernements qui, s’étant succédé depuis le grand soir de novembre 2011, fût, au matin, faite de décompensation de produits essentiels à des Marocains auxquels on promet des compensations qu’on ne pourra pas leur verser.
L’INDH, projet de règne ambitieux initié par SM le roi afin de lutter contre la précarité et l'exclusion, a été, trop souvent hélas, détourné de ses objectifs, sur le terrain, par des élus ou des associations préfabriquées. (Ir)responsables dont il faut espérer que d’autres, plus aptes et compétents à prendre en charge le développement humain, les remplacent, de vrais travailleurs qui auront la question sociale à l’esprit, et surtout, à cœur.
Car, répétons-le, les régions dites enclavées demeurent à la merci des intempéries ou du froid, les quartiers défavorisés le sont chaque jour un peu plus. Frappés qu’ils sont par l’inaccessibilité, tant aux services publics de base, qu’à des infrastructures sociales n’ayant pas vues le jour.
Et que dire du manque de travailleurs sociaux?
C’est de familles entières qu’il s’agit ici, de millions de gens qui peinent à se nourrir, se chauffer, se soigner... des jeunes, sans horizon, livrés à eux-mêmes, sans encadrement ni accompagnement. Des jeunes sans espoir, pris à la gorge par la haine d’eux-mêmes!
Que dire, encore, lorsque dans tant de quartiers, dans trop de lieux où rien ne semble plus être possible, la relégation a pris le pas sur l'exclusion. Cette relégation, avec tous ses déterminismes, qui demeure la matrice de toutes les formes de radicalisation, de fanatismes, de délinquance et qui s’enracinent toutes, en vérité, dans celles reçues par des existences trop lourdes, pesantes, inhumaines. Des existences qui n’en sont pas.
Alors, que voulons-nous?
Que des Marocains en droit de réclamer une dignité ô combien légitime, que des millions d’hommes, de femmes, que notre jeunesse, que tous au fond, se laissent avaler par un ressentiment dont seule la violence– dirigée vers eux ou vers les autres– apparaîtra comme une soupape?
Et qu’attendons-nous, donc, pour faire de la question sociale l’essentiel de toutes les politiques? Pour inventer «La Politique» qui prendra réellement en compte la vulnérabilité de tant de nos concitoyens, en droit de vivre décemment?
Une société qui pense, qui panse et guérit les plaies des démunis?
Ne pas choisir de mener une telle politique aujourd’hui, c’est choisir l’incohésion! Incohésion de notre société, incohésion de notre devenir commun, incohésion et hypothèque de notre Vivre ensemble …
La question sociale nous appelle, elle nous oblige, il y a urgence à lui répondre; les compétences sont là, le savoir-faire existe, partout des hommes et des femmes de bonne volonté– bien souvent engagés sur le terrain s’ils n’ont pas été découragés– sont motivés, les jeunes sont disponibles pour une telle cause: une politique sociale digne de ce nom est capable de fédérer, de mobiliser…prenons-la à bras le corps cette question sociale!