Conflit du Sahara: Alger reconnaît enfin qu’elle est partie prenante

Abdelaziz Bouteflika, président de la République algérienne.

Abdelaziz Bouteflika, président de la République algérienne. . DR

Alger fait tomber finalement le masque et ne cherche plus à cacher qu’elle est partie prenante au conflit du Sahara, étayant de la sorte ce que Rabat a toujours affirmé. Décryptage.

Le 24/12/2016 à 15h45

Alors qu’Alger a toujours prétendu que la «cause sahraouie» est (seulement) une «question de principe» et qu’elle n’est pas concernée par le conflit, elle a abandonné cette position pour faire face, à visage découvert, à l’offensive marocaine de ces dernières années. Alger ne pousse plus les responsables polisariens à prendre la parole pour commenter et «dénoncer» les décisions de Rabat. Elle ne donne plus ses instructions tout en se réfugiant derrière des slogans, du genre: le conflit du Sahara est «du ressort des Nations Unies» ou Alger se bat pour «le droit des peuples à l’autodétermination» où que ce soit dans le monde.

Du point de vue autant marocain qu’international, personne n’était dupe de la rengaine algérienne sur une prétendue question de principe. Rabat a toujours affirmé que Alger est le principal acteur d’un conflit plus que quarantenaire. Et Alger s’est toujours défendue d’être une partie au conflit. Seulement, avec la décision du Maroc de réintégrer l’UA et les fruits de la politique africaine du roi Mohammed VI, Alger a oublié ses discours d’antan et prouve que le Sahara est une «cause nationale» autant chez le voisin de l’est qu’au Maroc.

Allons aux faits ! Pas plus tard que mercredi 21 décembre, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) annulait en appel l’arrêt controversé du tribunal européen du 10 décembre 2015, au sujet de l’accord d’association Maroc-UE. Est-ce un hasard si Alger était la première à réagir, par la voix de son ambassadeur à Bruxelles, le très bavard Amar Belani, à la décision de la CJUE, annulant l’arrêt du tribunal européen et considérant comme irrecevable le recours du Polisario pour «défaut de qualité pour agir» au nom des Sahraouis? La célérité avec laquelle Alger a réagi à cette décision n’a d’égale que son amertume après la perte de ce procès.

Si on voulait prendre Alger au mot. Pourquoi la diplomatie algérienne se sent-elle dans le besoin de réagir à une décision de l’UE qui concerne le Maroc et le Polisario ? Alger n’est en rien concernée par cette décision. Alors pourquoi réagit-elle avant même les responsables du Polisario ? Il y a quelques années, Alger n’aurait pas agi de la sorte. Elle avait un mode opératoire bien connu. Elle donne ses instructions aux chefs du Polisario et mobilise ses ouailles médiatiques pour tirer à boulets rouges contre le Maroc.

Il n’est pas sûr que ce changement d’attitude de la part d’Alger soit réfléchi. Le régime algérien agit dans l’urgence et l’improvisation. Il en oublie presque qu’il est en train de manifester aux yeux de tous ce qu’il a toujours cherché à cacher : l’Algérie est partie prenante au conflit saharien. Cette pente non réfléchie sur laquelle se laisse glisser l’Algérie est en grande partie liée à la décision du Maroc de réintégrer l’UA.

Pourquoi Alger fait-elle aujourd'hui feu de tout bois pour tenter d’entraver le retour du Maroc au sein de l’Union africaine? Pourquoi s’agite-t-elle tant autour de ce retour marocain pourtant naturel au sein de sa famille africaine? Pourquoi organise-t-elle ce grand «rush» des soutiens africains du Polisario vers Alger? Comment peut-elle expliquer cette curieuse agitation à improviser, in situ, forums et colloques autour de l’Afrique, dont ce Forum dit d’ «affaires» qui fut un fiasco retentissant? Qu’en est-il aussi de ce séminaire prétendument dédié, pas plus tard que le weekend dernier, à «la paix et à la sécurité en Afrique»?

Il est curieux de constater aujourd’hui cet intérêt subit d’Alger pour l’Afrique. Mais il n’échappe à personne que le motif de cette «bougeotte» n’est évidemment pas l’Afrique, comme en atteste le comportement indigne d’Alger avec les migrants subsahariens et la chasse à l’homme noir, ordonnée au plus haut sommet de l’Etat.

Alger a peur du retour du Maroc au sein de l’Union africaine. Peur que ce retour ne réduise le rayon d’action de la «RASD», une entité qu’elle a elle-même créée et sur laquelle elle a fondé beaucoup d’espoir dans une tentative pour contrer les intérêts du royaume. Peur que ce retour ne la relègue au second plan, après avoir longtemps caressé l'illusion de devenir «puissance régionale», voire «continentale». La percée du royaume en Afrique, y compris et surtout au sein de l’Afrique de l’Est, –jadis considérée comme «citadelle algérienne imprenable»–, a accentué cette peur, au point qu'Alger montre aujourd'hui son vrai visage à la face du monde.

Chaque initiative entreprise par le royaume en faveur de l’Afrique est interprétée selon le schéma du complotisme par Alger, oubliant, à l’insu de son gré, qu’elle a fait du complot contre le Maroc une ligne de conduite de sa politique étrangère, quand ce n’est pas de sa politique intérieure. Est-il besoin de rappeler qu’un simple appel lancé par Ammar Saïdani, en 2015 sur le plateau d’une chaîne de télévision algérienne, Ennahar TV pour ne pas la nommer, pour l’abandon du Polisario a coûté son poste à son auteur à la tête du Front de libération nationale (FLN)?

Une attitude qui, au-delà de ses ressorts psychologiques complexes, met en évidence que Alger est au cœur du conflit au Sahara. Oui, nous le savions. Nous l’avons toujours dit. Mais Alger, qui s’en est défendue pendant des décennies, le proclame haut et fort aujourd’hui aux yeux du monde entier. Et nous devrions nous réjouir qu’Alger prouve, enfin, par sa conduite qu’elle est avec le Maroc les deux principaux acteurs dans le conflit du Sahara.

Par Ziad Alami
Le 24/12/2016 à 15h45