Pourquoi le Maroc est devenu la mauvaise conscience d'Alger

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Un geste purement humanitaire accompli par le roi Mohammed VI en faveur des subsahariens expulsés vers le Niger devient, sous la plume de confrères algériens, une "provocation" de la part du royaume à l'encontre de leur pays. Et ce n'est pas le premier "délit" du genre. Décryptage.

Le 16/12/2016 à 20h16

Mais que cherche l'establishment algérien? Il n'est pas une action initiée par le royaume, à l'échelle régionale ou internationale, qui ne soit interprétée par Alger comme une entreprise hostile à son égard. Il en va ainsi de ce geste purement solidaire témoigné par Mohammed VI envers des migrants subsahariens expulsés par l'Algérie vers le Niger. Geste qui s'est concrétisé par l'envoi, ce vendredi, d'une aide d'urgence à ces malheureux migrants que la précarité a poussés à quitter leurs pays pour rechercher des cieux plus cléments.

Le bon sens veut que ce geste soit apprécié à sa juste valeur, en tant que témoignage de solidarité et de fraternité enves de pauvres hères qui n'ont pas choisi leur lieu de naissance, ni leurs conditions de vie. La logique veut aussi que ce geste éminemment humaniste soit hautement salué par ces temps marqués au fer rouge par les guerres, les exodes massifs, la famine...

Or, ce n'est pas à travers cette grille de lecture que les choses sont interprétées par Alger. Toute action devient "maléfique" dès lors qu'elle émane du royaume, du roi Mohammed VI pourtant universellement réputé pour sa fibre humaniste. Il suffit de considérer "l'accueil" réservé par nos confrères voisins à l'aide d'urgence envoyée au Niger pour s'apercevoir de leur hystérie anti-marocaine. "Mohammed VI exploite l'affaire des migrants pour provoquer l'Algérie"!, a titré l'un d'eux, sans oser un seul mot critique à l'égard des autorités algériennes, connues pour leur inhospitalité, voire leur mépris envers les migrants, subsahariens ou syriens.

Que veulent-ils donc du Maroc? Qu'il fasse preuve de passivité à l'égard de la tragédie de ces migrants subsahariens, comprenant des femmes et des enfants, expulsés manu militari et sans autre forme de procès vers d'autres contrées? En quoi la politique solidaire du Maroc dérangerait-t-elle Alger et ses ouailles médiatiques? Pourquoi le royaume est-il devenu la "mauvaise conscience" des autorités algériennes?

Autant de questions auxquelles il n'y a pour le moment qu'un élément de réponse: le dynamisme marocain met en évidence l'immobilisme du voisin de l'Est. Car, au-delà du geste royal en faveur des migrants subsahariens expulsés vers le Niger, il n'est presque pas une seule initiative entreprise par le Maroc qui ne soit pas interprétée selon ce schéma classique d'"l'ennemi extérieur", ou "Al Makhzen" pour reprendre un autre terme cher à nos confrères algériens!

Est-ce un hasard si le projet régional du gazoduc acté par le roi Mohammed VI et le président nigérian Muhammadu Buhari, lors du déplacement du souverain, début décembre à Abuja, est interprété, au nom de la fibre parano de nos confrères, comme un acte "hostile" à Alger, même si cette dernière a abandonné le projet de gazoduc "transaharien" depuis des lustres! Est-ce aussi un hasard si la décision de Peugeot-Citroën de s'implanter au Maroc a fait râler Alger, au point de le faire ruer dans les brancards pour ramener ne serait-ce qu'une usine d'assemblage de cette firme française, après celle de Renaut évidemment? Est-ce également fortuit si Alger accuse le Maroc de lui avoir "soutiré" le projet "Désertec" pour la production de l'énergie solaire?

Et ce n'est pas tout! Même les émeutes pourtant légion en Algérie sont imputées à cette légendaire "main étrangère", le Maroc s'entend! Les services marocains ont bel et bien été accusés d'être derrière les affrontements interethniques de Ghardaïa entre la minorité mozabite, de rite ibadite, et la majorité arabe de rite malékite! Idem pour les émeutes à répétition en Kabylie, chez la population chaouie, et j'en passe!

Il est curieux de constater que, à chaque soubresaut en Algérie, social, ethnique, ou économique, nos confrères pointent leur artillerie lourde vers le Maroc, usant du même vocabulaire "guerrier" et sans aucun recul, ni journalistique, ni intellectuel... Ils exécutent à la lettre les instructions soufflées par les donneurs d'ordre, de telle sorte que l'on retrouve le même lexique en passant d'un titre à un autre. Pas même l'effort de diversifier le champ lexical et les angles d'attaque.

En somme, le Maroc semble rappeler douloureusement à Alger tout ce qu'elle ne fait pas et surtout son immobilisme chronique. Le seul "délit" de notre pays aux yeux de notre voisin est d'avoir fait le choix de l'effort, du progrès et de l'ouverture. Autant de vertus qui font cruellement défaut à Alger. Mais est-ce de notre faute?

Par Ziad Alami
Le 16/12/2016 à 20h16