Rappelez-vous: le 9 novembre 2015, le désormais ex-patron du FLN, largue une véritable bombe sur le plateau de la chaîne de télévision "Ennahar.TV", porte-voix du Département du renseignement et de la sécurité (DRS, renseignement militaire algérien). Interrogé sur la question du Sahara, Ammar Saïdani a eu cette réponse lapidaire mais déconcertante: "J'ai des choses à dire sur cette affaire, mais je ne les dirai pas (...) de peur d'entraîner le pays dans une autre voie".
Pas besoin d'être devin pour imaginer la suite. Alger est nommément pointée pour son rôle dans la crise suscitée autour du Sahara marocain, enclenchée sous la baguette du "Clan d'Oujda" dirigé notamment par l'ancien colonel Houari Boumediene, de son vrai nom Mohamed Boukharrouba, devenu président en 1976 après un putsch militaire contre son ancien frère d'armes Ahmed Ben Bella.
Le patron du FLN, qui a invité son pays à lever la main sur le dossier saharien, à la faveur d'une normalisation algéro-marocaine tant espérée par les deux peuples voisins, ne savait peut-être pas qu'il allait mettre les pieds dans le plat et s'attirer les foudres des généraux algériens, à leur tête l'ancien patron du DRS, le général "Tewfik", qu'il a traités pêle-mêle d'anciens "officiers de l'armée française".
Il n'en fallait pas plus pour que ces officiers résolument hostiles au Maroc, ainsi que leurs ouailles, sonnent l'hallali général contre le patron du FLN, accusé de rouler pour le Maroc! Première réaction en chaîne, une audience magistrale accordée par le président Bouteflika à feu Mohamed Abdelaziz, alors chef du Polisario, en présence du général Gaïd Salah (chef d'état-major de l'armée algérienne), et de Ramtane Lamamra, ministre des Affaires étrangères, très apprécié au sein de l'establishment militaire pour sa haine viscérale envers le Maroc.
«Les déclarations de Saïdani, faites sur le mode sibyllin, constituées essentiellement par des non-dits, mais assez allusives pour être décryptées, positionne M. Saâdani sur une ligne anti-novembriste, à l’antipode de la doctrine du parti du FLN, qui a accompagné, soutenu et aidé à faire triompher dix-sept mouvements de libération africains et non africains», a alors enfoncé le «Comité national algérien de solidarité avec le peuple sahraoui».
La descente aux enfers de Saïdani date en effet de ce 9 novembre, huit jours après la commémoration du 62ème anniversaire du début de la Révolution algérienne! Le patron du FLN a-t-il délibérément choisi cette date symbolique pour remuer le couteau dans la plaie d'un pouvoir compromis jusqu'au dans la genèse du Polisario, avec ce que cela comporte de conséquences sur l'avenir des relations entre l'Algérie et le Maroc, voire tous les autres pays du Maghreb?
Plus de quarante ans après, un sursaut de conscience semble gagner la classe politique algérienne. D'autres figures respectables en Algérie, à l'image de Louisa Hanoune, SG du Parti des travailleurs (PT), ont emboîté le pas à Ammar Saïdani pour appeler à l'abandon du Polisario et à la normalisation des relations avec le Maroc. A la différence près que la position provenant du patron d'un parti au pouvoir, soit le FLN, était imprévisible et un peu très osée. Mais c'est mal connaître le courage d'Ammar Saïdani réputé ne pas avoir la langue dans sa poche et nommer les choses par leur nom.
Il l'a fait, mieux encore, il n'a pas rétropédalé sur sa position sur le dossier saharien. Mais tout naturellement, il ne pouvait tenir tête à la fachostère militaire aux commandes en Algérie. L'ancien patron du DRS, surnommé "Rab dzaïr", a fait savoir, quelques heures mêmes avant la "démission" de Saïdani, son intention de poursuivre ce dernier, insinuant que les déclarations de Saïdani pouvaient coûter à l'Algérie sa "stabilité"! Un chantage qui cache de manière à peine voilée une mise à prix de la tête du désormais ex-patron du FLN.
En Algérie, hélas, la vérité peut tuer. Mohamed Boudiaf l'a payé de sa vie le 29 juin 1992, à Annaba. Les commanditaires de ce crime odieux courent toujours... qu'en pensent le général "Tewfik" et ses ouailles?