Affaire Brahim Ghali: le dircab de Laya reconnaît avoir protégé l’entrée furtive en Espagne du chef du Polisario

Arancha Gonzalez Laya, ancienne cheffe de la diplomatie espagnole, Brahim Ghali, chef du Polisario, et Camilo Villarino, directeur de cabinet de Laya.

Arancha Gonzalez Laya, ancienne cheffe de la diplomatie espagnole, Brahim Ghali, chef du Polisario, et Camilo Villarino, directeur de cabinet de Laya. . DR

Camilo Villarino, directeur de cabinet d'Arancha Gonzalez Laya, a admis, devant le juge d’instruction de Saragosse, avoir donné des instructions à l'armée de l'air pour que le passeport du chef du Polisario ne soit pas contrôlé, lors de son arrivée furtive en Espagne, le 18 avril dernier, à bord d’un avion de la présidence algérienne.

Le 29/07/2021 à 15h05

Petit à petit, l’affaire Brahim Ghali, qui a provoqué une crise majeure entre le Maroc et l’Espagne, livre tous ses secrets. Et la responsabilité du département des Affaires étrangères du voisin ibérique, dirigé alors par Arancha Gonzalez Laya, avant qu’elle ne soit débarquée du gouvernement, est de plus en plus évidente.

Selon le site d'informations espagnol ABC, c'est Camilo Villarino, directeur de cabinet de l'ancienne ministre des Affaires étrangères qui a protégé l'entrée furtive en Espagne du chef du Polisario, Brahim Ghali, le 18 avril 2021, pour être soigné à l'hôpital de Logrono. Le diplomate l’a lui-même reconnu, dans une réponse écrite au juge de Saragosse, Rafael Lasala, qui enquête sur les circonstances de l’entrée sur le territoire espagnol de Brahim Ghali, indique la même source.

La publication espagnole souligne que cette enquête vise directement le ministère des Affaires étrangères depuis que, fin juin, un général de l'armée de l’air espagnole, José Luis Ortiz-Canavate, qui commandait la base de Saragosse en avril, a révélé que l'ordre était venu «des plus hauts niveaux du ministère dirigé par Gonzalez Laya» pour que le passeport du chef du Polisario ne soit pas contrôlé à son arrivée, et pour que son identité soit maintenue secrète.

Dans sa réponse au juge, ce général avait confirmé que Brahim Ghali n'avait pas été identifié et qu'il n’avait pas été soumis au contrôle des passeports car le «cabinet du ministre des Affaires étrangères» l'avait ordonné par l'intermédiaire de l'état-major général de l'armée.

Lorsque cette information a été divulguée, le département de Laya est intervenu pour assurer que le fait de ne pas soumettre Ghali au contrôle douanier était «une courtoisie diplomatique qui est généralement accordée aux passagers arrivant sur des vols officiels». Une version qui se heurte toutefois à celle que le général Ortiz-Canavate a également donnée devant le juge. En effet, à une autre question du juge, ce haut gradé a déclaré que «la procédure habituelle n'a pas été suivie, en raison de l'ordre reçu de l'état-major de l'armée de l'air».

Compte tenu des révélations du général, le juge a écrit au ministère des Affaires étrangères pour avoir une explication. Et c'est ce qui a amené Camilo Villarino à admettre que c'est lui qui, au téléphone, a dit au général de l'armée de l'air de ne pas demander de papiers à quiconque arriverait dans cet avion du gouvernement algérien. Et ce, alors même que Brahim Ghali est inculpé pour des affaires pénales en Espagne, entre autres pour génocide.

Dans la lettre officielle adressée au juge, et que ABC a pu consulter, Camilo Villarino affirme que la personne qui a donné les instructions à la base de Saragosse était le général Francisco Javier Fernandez Sanchez, chef d’état-major en second de l’armée de l’air, assurant que ce dernier lui a demandé «si on voulait que les procédures douanières ou d’immigration soient effectuées», ce à quoi il a répondu «que ce n’était pas nécessaire».

Cette réponse écrite de Camilo Villarino au juge est datée du 9 juillet 2021, quelques jours avant qu'il ne soit démis de ses fonctions de directeur de cabinet par le nouveau ministre des Affaires étrangères, José Manuel Albares.

Ce que Camilo Villarino ne précise pas dans sa réponse au juge, fait remarquer ABC, c'est si les instructions données aux militaires étaient de son initiative ou étaient une décision du ministre et, par conséquent, du gouvernement.

C'est l'une des inconnues profondes qui sont désormais ouvertes et sur lesquelles le juge est susceptible d'enquêter avec de nouvelles procédures, pour découvrir en détail quelle était la chaîne d'ordres qui a entouré l'entrée furtive en Espagne du leader du Polisario, indique la publication.

Par Khalil Ibrahimi
Le 29/07/2021 à 15h05