Les dessous de l’architecture du gouvernement El Othmani

Conseil des ministres, présidé par le roi Mohammed VI, dans la salle du Trône du Palais royal de Rabat, le 9 octobre 2019. 

Conseil des ministres, présidé par le roi Mohammed VI, dans la salle du Trône du Palais royal de Rabat, le 9 octobre 2019.  . DR

De tous les gouvernements qui se sont succédés au Maroc depuis les années soixante, celui-ci est, de loin, le plus ramassé, le plus recentré et, à ne pas en douter, le plus efficace. Voici pourquoi.

Le 09/10/2019 à 19h25

Le roi Mohammed VI a reçu, ce mercredi à la salle du Trône, le chef du gouvernement Saâd Eddine El Othmani et sa nouvelle équipe, composée de 23 membres (seulement). A lui seul, ce chiffre en dit long sur le caractère résolument ramassé et recentré de ce nouvel Exécutif. C’est une première au Maroc depuis son indépendance.

Composé à 50% de nouvelles figures, il incarne la volonté royale et le besoin du pays en sang neuf et en nouvelles compétences. Ce gouvernement a également été réduit d’un bon tiers par rapport à son prédécesseur, dont la composition a obéi davantage à des calculs politiques voulant satisfaire les cinq partis le formant plutôt qu’aux impératifs d’efficacité que dictent la conjoncture et l'intérêt général. Voilà qui est réparé.

Nous sommes désormais face à une équipe rationnalisée et moderne, où seul le véritablement utile a été gardé. La preuve en est que le ministère de la Communication n’existe désormais plus. Tout simplement parce qu’il ne sert plus à rien, le secteur étant aujourd’hui suffisamment outillé (notamment à travers la Haute autorité de la communication audiovisuelle et le Conseil national de la presse) pour s’autoréguler.

Dans le même ordre d’idées, le ministère des Affaires générales et de la gouvernance a disparu du tableau et ses attributions, hautement stratégiques, seront désormais rattachées au ministère des Finances. «Cela traduit une volonté pour arrimer les départements stratégiques à des ministères qui ont la compétence et la capacité réelle de les gérer», commente cette source bien informée.

Le tout, en sauvegardant la nature strictement politique du gouvernement et le respect des résultats des urnes en termes de représentativité des partis qui ont su tirer leur épingle du jeu lors des dernières élections législatives. Ceux qui tablaient sur une équipe de technocrates devront se raviser. En revanche, ce gouvernement a été renforcé par une ouverture intelligente sur de nouvelles compétences. Lire les portraits d’un Khalid Ait Taleb, ce ponte en médecine nommé ministre de la Santé, c’est s’en rendre compte. Il en va de même pour la désignation de Nadia Fettah Alaoui, en tant que super-ministre du Tourisme et du secteur de l’aérien (entre autres), elle qui, jusqu’ici, était la directrice générale de Saham Finances, et qui a accompli l’essentiel de sa prolifique carrière dans le privé.

Le même constat s’applique à Driss Ouaouicha, ministre chargé de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Ce monsieur nous vient de l’Université Al Akhawayn d’Ifrane, qu’il présidait. Et il est fort à parier que le secteur public dont il a désormais la charge sera sérieusement dépoussiéré.

Ramassé, donc, et intelligemment composé, ce gouvernement gagne également en lisibilité et en cohérence. Nous sommes devant des départements forts et avec les moyens de leurs ambitions. Cela explique la suppression pure et simple des secrétariats d’Etat, et donc des guerres de tranchées qu’ils se livraient avec les ministères de tutelle. La lutte épique que s’étaient livrés Abdelkader Amara, alors ministre en charge notamment de l’Eau, et Charafat Afilal, sa secrétaire d’Etat, n’est désormais plus qu’un lointain souvenir.

Par son architecture, le nouveau gouvernement a, de facto, fait sauter les parasitages possibles et les guerres d’égos, pour laisser place à ce qui est attendu d’un gouvernement: du travail et des résultats. Dans ce sens, ce n’est pas un hasard que la Réforme de l’administration soit dorénavant rattachée aux ministère des Finances, le seul à même de mener à bien ce vaste chantier qui a connu de multiples échecs.

La cohérence de la composition de ce nouvel Exécutif s’incarne également dans le rattachement, et il fallait le faire, de la culture à la jeunesse et aux sports. C’est somme toute logique, mais il fallait y penser. L’épanouissement des jeunes passe aussi bien par la culture que par le sport. Et il fallait bien centraliser cette véritable priorité nationale: une jeunesse saine, dans son corps, comme dans son esprit. D’autant que le département de la Jeunesse et des sports dispose d’un véritable trésor, qui ne demande qu’à être valorisé: les Maisons des jeunes, à l’impressionnant maillage territorial, mais actuellement en jachère. Les mettre à niveau, y mettre les moyens, les ouvrir aux jeunes aussi bien à travers le sport que la culture de proximité, c’est s’assurer un avenir radieux pour nos jeunes. Une dynamique désormais amorcée.

Ces facteurs concourent à ce que ce gouvernement politique, renforcé par une ouverture intelligente sur les compétences, dispose d’un bon casting pour réussir la mission de réformer l’enseignement et la santé, augmenter le pouvoir d’achat des citoyens ainsi que redonner confiance à la jeunesse.

Par Tarik Qattab
Le 09/10/2019 à 19h25