Les populations sahraouies des camps de Lahmada, dans la région de Tindouf, surfent sur la vague des contestations populaires en Algérie pour se soulever à leur tour contre la mainmise implacable que leur imposent leurs dirigeants. Ces soulèvements ne sont certes pas nouveaux, mais leur rythme est devenu de plus en plus soutenu ces dernières semaines. Devant les sièges de la Minurso ou du Haut-commissariat onusien aux réfugiés (HCR), voire en plein désert à la frontière avec la Mauritanie ou près de la zone tampon de Bir Lahlou, ils sont de plus en plus nombreux à exprimer ouvertement leur ras-le-bol pour dénoncer l’enfermement, la misère, la répression et le désespoir qu’ils vivent au quotidien depuis des décennies.
Il ne se passe plus un week-end, et c’est devenu un rituel comme les vendredis en Algérie, sans qu’il y ait un sit-in ou une manifestation des populations de Tindouf. Le point d’orgue de cette gronde populaire a été atteint samedi 27 avril dernier, lorsque plusieurs centaines de manifestants à bord de véhicules ou à pieds ont fait mouvement vers la frontière mauritanienne. Des jeunes pour la plupart, ils entonnaient des slogans axés sur la revendication de la «liberté de se déplacer». Malgré le caractère pacifique de leur manifestation, les manifestants ont été rapidement encerclés par un déploiement de chars qui leur ont bloqué la route, avant que plusieurs d’entre eux ne soient malmenés, et plus ou moins gravement blessés, par les «gendarmes» du Polisario. Plusieurs d’entre eux furent même emprisonnés.
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Samedi 4 mai, des dizaines de manifestants ont également protesté devant le siège du HCR à Rabouni pour dénoncer le blocus implacable imposé aux camps. Dans les faits, et pour ne pas concurrencer les dirigeants du Polisario qui trafiquent les produits de l’aide internationale dans le nord de la Mauritanie, certains commerçants sahraouis ont ainsi exprimé leur refus de se voir interdits d’accès au territoire mauritanien sans une autorisation, rarement délivrée, de l’Algérie et du Polisario.
Dimanche 5 mai, des dizaines de Sahraouis en colère ont à nouveau bravé les interdits et manifesté pour le 2e jour d’affilée devant le siège du HCR. Ils exigeaient cette fois-ci la libération des détenus politiques, et particulièrement le plus ancien d’entre eux, à savoir Ahmed Khalil, un conseiller en droits de l’homme porté disparu depuis 10 ans au cœur même d’Alger. A ce sujet, plusieurs instances internationales ont été saisies de son cas.
Il est donc clair qu’un vent de changement est en train de souffler sur les camps de Tindouf, où plusieurs nouveautés ont marqué les dernières manifestations qui s’y sont déroulées. D’une part, et malgré les mises en garde et menaces répétées des dirigeants du polisario, mais aussi face à l’absence de toute couverture médiatique indépendante, les contestataires recourent désormais aux réseaux sociaux pour filmer à visage découvert des séquences de leurs manifestations. Mieux, ils ont le courage de s’identifier nommément et d’assumer ouvertement leur geste afin, expliquent-ils, que les images de leurs protestations ne soient plus qualifiées par la propagande du Polisario de «préfabrication marocaine».
D’autre part, certains manifestants commencent à dénoncer la méthode dite de l’«inzal errayat», ce qui signifie le noyautage des manifestants par des porteurs du drapeau séparatiste. Ces derniers, bien que des «baltajiyas», n’en scandent pas moins les slogans des manifestants, tout en mettant en valeur les drapeaux séparatistes, question d’insinuer, au grand dam des vrais manifestants, que la «légitimité» des dirigeants du Polisario n’est pas remise en cause par ces derniers.
Or, cette «légitimité» est bel et bien la principale cible des contestataires, comme le relaient, ce lundi, les sites mêmes des séparatistes. Ces derniers considèrent que la révolte qui gronde désormais chaque jour est due au fait que les populations de Lahmada «payent aujourd’hui le prix de leur long attentisme sans issue, voire mortel», alors que «leurs dirigeants n’ont pas honte de tenter à nouveau de les tromper avec des mensonges et des chimères».
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Et d’ajouter, comme pour se demander si les habitants des camps sont de vrais réfugiés ou bien des séquestrés, que «les restrictions draconiennes imposées aux Sahraouis désireux de se déplacer librement ont transformé ces camps en véritable poudrière, aujourd’hui attisée par un environnement régional en plein bouleversement». Une allusion claire à ce qui se passe en Algérie où les populations de Tindouf voient le «système» protecteur du Polisario s’écrouler comme un château de cartes. Au même moment, la Mauritanie voisine, par la voix de son chef d’Etat, affirme clairement qu’il n’y a aucune place pour un Etat entre elle et le Maroc. Avant que le Conseil de sécurité, à travers sa plus récente résolution (30 avril), ne confirme cette orientation en enterrant définitivement toute idée de référendum ou d’indépendance au Sahara.