La ruse n’a pas du tout fonctionné et en investissant boulevards, rues et ruelles, les Algériens ont crié haut et fort leur volonté de changement. Maintenant. Avant, ils marchaient contre un cinquième mandat et une élection présidentielle aux airs de désignation. Ce vendredi 15 mars, c’est contre la proposition, formulée lundi, de report de ces élections et le maintien au poste, sine die, du président Abdelaziz Bouteflika. Les Algériens sont d’ailleurs sortis en grand nombre.
Alors que le pays en est à son quatrième vendredi de protestation, ils ont été des centaines de milliers à marcher contre ce que d’aucuns appellent une «arnaque», une «duperie». La rue algérienne a parlé. C’est un non ferme et catégorique! A elle seule, l’expression «on voulait des élections sans Boutef, on se retrouve avec Boutef sans élections» résume un état de fait que le clan Bouteflika a cherché à imposer, jouant sa dernière carte pour se maintenir, coûte que coûte, en poste. Il est aujourd’hui évident qu’il a échoué. Et la véritable campagne de communication menée, d’une part, par le duo Ramtane Lamamra-Noureddine Bedoui (respectivement nouveaux vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères et Premier ministre) et, d’autre part, par le fin diplomate Lakhdar Ibrahimi, n’y a absolument rien fait. Bien au contraire. Sur Twitter, un internaute remercie Bedoui et Lamamra de leurs efforts… «Pour maintenir les Algériens mobilisés». Et paf!
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Moralité: le régime Bouteflika est bel et bien dans l’impasse et très peu d’option s’offrent à lui.
Le meilleur scénario serait qu’il écoute, pour une fois, le cri de son peuple et quitte définitivement le pouvoir. Comme porte de sortie honorable, il peut dépêcher des élections neutres et transparentes auxquels Bouteflika ne se présenterait pas et avec les garanties nécessaires de non-ingérence. Des acteurs politiques crédibles et capables de gérer l’Algérie de l’après-Bouteflika, du calibre de Ali Benflis, ancien chef du gouvernement algérien (2000-2003) devenu opposant, ou Abderrazak Mokri, le chef du MSP (Mouvement de la société pour la paix –islamiste) pourraient alors faire leur retour et entrer en lice. En échange, le régime toujours en place pourrait négocier une amnistie que le peuple algérien se montre d’ores et déjà prêt à lui accorder.
Le scénario du pire serait de s’entêter et s’accrocher au pouvoir dans un contexte où le caractère pacifique des protestations est menacé, la répression étant la seule arme du système pour faire taire les Algériens. Et, au vu de la mobilisation d’aujourd’hui, ceux-ci ne vont certainement pas se taire. Ce serait alors un plongeon vers l’inconnu et, sans aucun doute, un retour vers les années noires de l’Algérie. D’autant que certains responsables sont prêts à rester aux commandes de l’Algérie, quitte à sacrifier tous les Algériens.
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L’échange téléphonique qu’a eu Abdelmalek Sellal, ancien Premier ministre et ex-directeur de campagne de Bouteflika, et Ali Haddad, patron du Forum des chefs d’entreprises, est un cas d’école en la matière. Abordant les manifestations en cours, les deux hommes évoquent sans complexe aucun l’éventualité d’un recours aux armes pour mater les foules.
Les propos de l’ancien Premier ministre disent tout de la détermination du camp Bouteflika à se cramponner au pouvoir, quel qu’en soit le coût. Sellal parle dans sa conversation d’agents armés, de gendarmes et du recours à des Kalachnikovs pour réprimer les personnes qui s’opposeraient à un cinquième mandat.
C’est dire que sauf miracle, c’est ce dernier scénario qui est privilégié contre un peuple exemplaire dans sa façon de mener son mouvement de contestation et dont la maturité, l’intelligence, l’humour et le caractère pacifique forcent l’admiration. N’oublions pas que les supporters des deux clubs phares de la capitale, l’Union sportive d’Alger et le Mouloudia, ont boycotté le derby prévu hier, jeudi, dans le but d’éviter d’être infiltrés par des «baltajia» qui auraient pu semer le trouble et justifier ainsi une intervention policière. D’autres troubles comme d’autres réactions répressives auraient alors pu se produire et mener jusqu’à l’instauration d’un état d’exception.
Un scénario à l’égyptienne n’aurait alors pas été loin. Précisons que le retour des militaires en Egypte a commencé par un simple match de football, celui ayant opposé Port Saïd et Al Ahly et qui s’est terminé dans un bain de sang. Le reste, tout le monde le sait.