Vidéo. Affaire Bab Darna. Le curieux silence des autorités de tutelle: que dit la loi?

Une grue, des palissades, quelques briques, etc, traits propres aux projets fictifs de Bab Darna. Ici, une vue du site de Majorelle Garden 

Une grue, des palissades, quelques briques, etc, traits propres aux projets fictifs de Bab Darna. Ici, une vue du site de Majorelle Garden  . DR

L’opinion publique s’interroge légitimement sur l’implication des autorités locales dans l’affaire Bab Darna. Jusqu’où s’étend la responsabilité des communes, des préfectures et de l’agence urbaine de Casablanca? Voici quelques éléments de réponse.

Le 21/12/2019 à 15h49

Bab Darna s’est transformé rapidement en une affaire publique. Sur les réseaux sociaux, beaucoup se demandent comment le promoteur immobilier a réussi à échapper au contrôle de l’Etat. Agents communaux, moqadems, caïds, etc, pourquoi ont-ils fermé les yeux sur les agissements des promoteurs de Bab Darna? Les présidents des deux communes de Dar Bouazza et de Bouskoura, qui concentrent l’essentiel des 12 projets «fictifs», affirment n’avoir délivré aucune autorisation à ce promoteur. Cela n’a pas empêché Bab Darna d’installer des points de vente un peu partout à Casablanca, appuyés par des panneaux d'affichage publicitaire formant une palissade sur le pourtour des terrains qui, pourtant ne lui appartiennaient pas.

Me Riad El Malih, avocat au barreau de Casablanca, lui-même victime du projet «fictif» Majorelle Garden à Bouskoura, pointe du doigt le «silence complice» des communes et des préfectures: «tous les responsables impliqués dans cette affaires doivent être auditionnés», lance Me El Malih. Ce dernier n’est autre que l’auteur de la plainte (pour chèques sans provisions) à l’origine de l’arrestation du PDG de Bab Darna, le jeudi 7 novembre dernier.

Chaque promoteur doit déposer son projet auprès de la commune. Bab Darna étant considéré comme «un grand projet», son dossier devait être soumis au Conseil de la ville de Casablanca.

Le360 a consulté le Guide des procédures relatives à l’urbanisme et à l’habitat destiné aux gestionnaires locaux. Voici la liste des documents nécessaires pour l’obtention d’une autorisation de construire:

- Un certificat de propriété du terrain délivré par la Conservation foncière (pour déterminer si le terrain est immatriculé ou en cours d’immatriculation).

- Le plan cadastral du terrain délivré par les services topographiques du cadastre, dans le cas où celui-ci est immatriculé.

- Une demande en double exemplaire signée par le pétitionnaire (imprimé délivré par la commune). Cette demande doit être contresignée par le propriétaire, si celui-ci n’est pas le demandeur.

- La note de renseignements pour les projets faisant l’objet de la procédure des grands projets, délivrée par l’agence urbaine.

- Une fiche d’identité en double exemplaire portant la signature légalisée du requérant (imprimé délivré par la commune).

- Une fiche signalétique en double exemplaire à remplir par le maître d’ouvrage (imprimé délivré par la commune).

- Un plan de situation en trois (3) exemplaires à l’échelle 1/2000 au minimum (1/5000 si le terrain est situé dans une commune rurale) (établi par un géomètre).

- Un plan de la construction en huit (8) exemplaires comprenant tous les niveaux de l’immeuble, le rez-de-chaussée ainsi que le sous-sol, les terrasses et les plafonds à une échelle qui ne peut être inférieure à 1/100 ( établi par un architecte).

- Le dossier technique exigé pour l’installation des lignes nécessaires au raccordement des constructions au réseau public des télécommunications, le cas échéant (établi par un bureau d’étude)

- Une copie du contrat d’architecture en double exemplaires stipulant, sans équivoque, que le suivi de l’exécution des travaux lui incombera jusqu’à la délivrance du permis d’habiter ou du certificat de conformité, dans le cas où la superficie cumulée des planchers dépasse 150 m².

Quelle va être la suite de la procédure des grands projets

- Une fois déposés au siège de la commune, les dossiers sont adressés, dans un délai de 3 jours suivant la date du dépôt, à l’agence urbaine et aux autres services et organismes concernés (eau, électricité, protection civile, organisme de télécommunications, etc.).

- Avant d’être présentés, pour examen, dans un délai maximum de dix (10) jours à compter de la date de leur réception par l’agence urbaine, à une commission présidée par le directeur de l’agence ou son représentant, les dossiers font l’objet d’une première instruction de la part des services et organismes concernés, chacun en ce qui le concerne.

La commission chargée d’examiner les demandes d’autorisation de construire est composée des membres suivants:

• L’architecte, représentant de l’agence urbaine.

• Le conseiller communal, responsable du service du plan, assisté d’un architecte ou, à défaut, d’un technicien.

• L’architecte en fonction à la division technique préfectorale ou provinciale concernée.

• Un représentant des services ou organismes chargés de l’assainissement et de la distribution d’eau et d’électricité.

• Un représentant de la protection civile.

• Un représentant de l’organisme chargé des télécommunications.

Quid des sanctions?

Voici quelques extraits de la loi 25-90 relative aux lotissements, groupes d’habitations et morcellements

Article 63. Sont punies d'une amende de 100.000 à 1.000.000 de dirhams la création d'un lotissement ou d'un groupe d'habitations ou l'entreprise de travaux d'équipement ou de constructions en vue de cette création sans l'autorisation du conseil communal.

Article 64. Sont punies d'une amende de 100.000 à 1.000.000 de dirhams la vente ou la location ou le partage ou la mise en vente ou en location de lots d'un lotissement ou de logements d'un groupe d'habitations si le lotissement ou le groupe d'habitations n'a pas été autorisé ou n'a pas encore fait l'objet du procès-verbal de réception provisoire des travaux. Chaque vente ou location de lot ou de logement est considérée comme une infraction séparée.

Article 66. Les infractions prévues ci-dessus sont constatées par les officiers de police judiciaire et les fonctionnaires de l'Etat ou de la commune spécialement commissionnés à cet effet respectivement par le ministre chargé de l'urbanisme et le président du conseil communal compétent.

L'agent ayant relevé l'infraction en dresse procès-verbal qu'il transmet dans les plus brefs délais au procureur du Roi, au gouverneur de la préfecture ou de la province, au président du conseil communal ainsi qu'aux contrevenants.

Article 67. Sont considérés comme coauteurs de l'infraction prévue à l'article 63 ci-dessus [en l’absence de l’autorisation de la commune, Ndlr] le maître d'ouvrage, l'entrepreneur qui a exécuté les travaux, l'architecte, l'ingénieur spécialisé ou le topographe ou tout autre maître d'oeuvre qui a donné les ordres qui sont à l'origine de l'infraction.

Article 68. Le tribunal est tenu d'ordonner, aux frais du contrevenant, la démolition des constructions et des équipements réalisés en vue de la création d'un lotissement ou d'un groupe d'habitations sans l'autorisation prévue par l'article 2 de la présente loi.

Article 69. Le cumul des infractions entraîne le cumul des amendes.

Article 71. Les travaux d'équipement ou de construction ayant pour objet la création d'un lotissement ou d'un groupe d'habitations, sans qu'il ait été délivré d'autorisation prévue à l'article 2 de la présente loi, effectués sur le domaine public ou sur une propriété privée dont l'affectation, telle qu'elle résulte des documents d'urbanisme, n'est pas destinée à la construction doivent être interrompus sur l'ordre du gouverneur de la province ou préfecture concernée, à la demande du président du conseil communal ou d'office. En outre, il peut être ordonné, par la même autorité, et selon les mêmes formes, la remise en l'état primitif des lieux et la démolition des constructions édifiées.

L'ordre du gouverneur précise le délai imparti au contrevenant pour exécuter les travaux ordonnés. Passé ce délai, ils sont effectués aux frais du contrevenant par le gouverneur ou le président du conseil communal.

L'interruption du chantier, la remise en l'état primitif des lieux et la démolition des constructions ne fait pas obstacle à l'engagement des poursuites et ne met pas fin aux poursuites engagées.

Article 72. Sont frappés de nullité absolue les actes de vente, de location ou de partage passés en infraction aux dispositions de la présente loi.

Par Wadie El Mouden et Khadija Sebbar
Le 21/12/2019 à 15h49