Leçons à retenir du drame de Sidi Boulaalam

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La bousculade de Sidi Boulaalam rend urgente la réglementation des actes de bienfaisance et de dons. Plusieurs dysfonctionnements ont caractérisé l’opération de distribution de denrées alimentaires dans cette localité, située près d’Essaouira. Des corrections et des solutions s’imposent.

Le 20/11/2017 à 17h58

Au-delà de l’instrumentalisation politique que certains essaient de faire du drame de la bousculade de Sidi Boulaalam qui a fait quinze morts, il convient de se poser des questions et de pointer du doigt des dysfonctionnements afin d’éviter que ce genre de drame se reproduise.

- Comment est-ce qu’une localité de 9.000 personnes a pu attirer des gens en provenance d’Agadir, de Chichaoua, d’Essaouira et même de Casablanca? Quand on connaît le coût du panier de denrées alimentaires à distribuer, d’une valeur de 150 dirhams, et le coût du transport d’Agadir ou de Chichaoua, il devient oiseux de dépenser autant dans le transport dans l’espoir d’un si maigre butin. Le coût du transport est supérieur à celui des denrées alimentaires. L’envoyé spécial du le360 à Sidi Boulaalam a pu recueillir des témoignages pour comprendre le mystère de cette ruée pour la distribution des denrées alimentaires. Nombre de personnes lui ont expliqué que le succès de cette opération tient à la personnalité du bienfaiteur, cheikh Abdelkbir Al Haddidi, qui est un imam qui officie dans une mosquée à Casablanca. Ces personnes se sont déplacées à Sidi Boulalam pour toucher la baraka du cheikh. Elles attribuent aux paniers distribués des vertus qui dépassent les denrées alimentaires et introduisent dans leur foyer une baraka à laquelle elles confèrent des valeurs de richesse et de chance. On peut se poser légitimement la question de savoir comment les autorités ont laissé faire et diffuser ces rumeurs liées à l’aura du cheikh et qui ont attiré des nécessiteux de partout.

- Le deuxième point est lié à l’organisation de la distribution des aides alimentaires et à l’utilisation des barrières. La responsabilité des autorités locales est entière. Comment ont-elles pu laisser près de 5.000 personnes, selon des témoignages, s’assembler sans prendre les mesures qui s’imposent pour leur dislocation? Les barrières supposées juguler les flux deviennent des pièges mortels en cas de mouvement de foule. Et c’est ce qui s’est précisément produit. La bousculade a fait tomber des personnes qui n’ont pas pu se relever parce qu'elles étaient prisonnières de ces barrières devenues barreaux. Elles ont été piétinées et sont mortes dans la majorité des cas par asphyxie. Le maintien des barrières et le manque d’anticipation des autorités impliquent leur responsabilité dans ce qui s’est produit.

- Il existe une grande tradition de solidarité au Maroc. Cette solidarité se vit au quotidien grâce au travail remarquable de milliers d’ONG qui viennent en aide aux populations. Le travail de ces ONG est louable et, dans plusieurs cas, salutaire. Mais il n’empêche que le drame de Sidi Boulaalam souligne l’urgence de réglementer les actes de bienfaisance et les dons. Pourquoi une aide qui s’adresse à une localité comme Sidi Boulalam attire des gens d’autres villes? Il faut réglementer et trouver les moyens de faire parvenir ces aides aux personnes de la localité concernée, loin de tout attroupement, d’exhibitionnisme et de hallali. Les vrais donateurs savent qu’une aide discrète, loin de toute publicité, est plus efficace qu’une aide à tambours battants.

La réglementation du secteur des dons et actes de bienfaisance est nécessaire et urgente. Le propre d’une association locale est de s’attacher au développement local du territoire où elle agit, et non pas d’attirer des personnes extérieures. Une fois cette réglementation faite, l’esprit de solidarité qui caractérise les Marocains continuera de prévaloir, ainsi que le travail remarquable des ONG. Ce n’est pas la faim, mais la nonchalance des autorités et l’absence de réglementation des actes de bienfaisance qui sont derrière la bousculade meurtrière de Sidi Boulaalam.

Par Aziz Bada
Le 20/11/2017 à 17h58