Le «le tableau de bord» de la lutte anti-terroriste marocaine décrypté par «Valeurs actuelles»

Agents cagoulés du BCIJ, la brigade spéciale de lutte contre le terrorisme au Maroc. 

Agents cagoulés du BCIJ, la brigade spéciale de lutte contre le terrorisme au Maroc.  . AFP

Dans un dossier consacré au dispositif marocain de lutte contre le terrorisme, l’hebdomadaire français revient dans les détails, et certains sont inédits, sur l’arsenal tant religieux que sécuritaire dont s’arme le Royaume contre la menace terroriste.

Le 16/06/2018 à 18h13

Traiter la menace terroriste dès la racine en luttant au quotidien contre les idées extrémistes et anticiper tout passage à l’acte en déployant tout un arsenal sécuritaire, donné désormais en exemple…même en Occident. Ce sont les deux piliers sur lesquels repose le Maroc dans son combat contre la menace terroriste. Une stratégie qui porte ses fruits, conclut l’hebdomadaire français Valeurs actuelles qui consacre cette semaine un dossier aux révélations inédites sur la politique marocaine en la matière. Pour preuve: il n’y a plus eu d’attentats au Maroc depuis celui du café Argana à Marrakech en 2011. «Avec plus de 53 cellules terroristes démantelées depuis mars 2015, 815 personnes interpellées, parmi les- quelles 100 revenants des rangs de l’État islamique (87 en provenance de Syrie, 13 de Libye), le Maroc montre qu’il n’a pas été déstabilisé par les printemps arabes de ses voisins. Mieux, il a empêché la progression de l’islam radical et de nouvelles attaques», lit-on d’emblée dans le magazine d’actualité.

Élément essentiel de cette lutte au quotidien contre la menace terroriste: le renseignement. «C’est l’ensemble de l’appareil sécuritaire marocain qui a été transformé. Immédiatement après l’attentat de Marrakech, une réforme constitutionnelle a été adoptée pour donner des pouvoirs d’officier de police judiciaire à tous les fonctionnaires de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST)», note Valeurs actuelles. À sa tête, Abdellatif Hammouchi. «Brillant et fin, nommé à ce poste à l’âge de 39 ans…Le policier spécialiste de l’islam radical entreprend un grand nettoyage. Il ouvre les portes, forme, modernise, fait venir des délégations étrangères et signe des partenariats avec les grandes agences européennes et américaines», lit-on encore.

Les résultats sont au rendez-vous et le secret n’est autre que «l’anticipation». Mais qu’est ce que c’est? «C’est simple: le BCIJ (Bureau central d’investigation judiciaire, une unité d’élite disposant de 400 enquêteurs et de 700 policiers, NDLR), que je dirige, dépend de notre service de renseignements intérieur, la DGST. Ce sont les agents de toutes les directions de ce service qui nous communiquent les renseignements avant que les cellules passent à l’acte. On gagne un temps considérable avant d’intervenir. Tout est décloisonné», explique Abdelhak Khiame, patron du «FBI marocain», dans un entretien accordé à l’hebdomadaire. Un accès aux renseignements du terrain, croisés avec des analyses ou avec des renseignements partagés, y compris avec d’autres pays. Du plus local au plus éloigné, on peut ainsi arrêter de manière préventive des terroristes potentiels.

Autre arme, la lutte contre les idées extrémistes. La formation des imams en est une des clefs majeures. «Tous doivent obtenir le diplôme de l’Institut Mohammed VI pour la formation des imams de Rabat, dépendant du ministère des Affaires islamiques. Le Maroc met les moyens: des locaux flambant neufs érigés en 2015 pour un investissement de 22 millions d’euros», précise Valeurs actuelles. Trente heures de cours par semaine, de la charia aux sciences humaines ou encore la communication, pratique du sport obligatoire, bourses, formation des femmes. Le modèle séduit. «La Guinée, le Tchad, le Nigeria, le Gabon, la Gambie, le Sénégal et même... la France envoient chaque année des jeunes se former», lit-on encore.

A cela s’ajoute le fait que les fatwas au Maroc sont de l’unique ressort du roi et que le salafisme radical n’a pas droit de cité dans les 50.000 mosquées du Royaume, au même titre que les imams auto-proclamés. Sans oublier la Rabita Mohammedia des Oulémas, «devenue un véritable think tank et une agence de diffusion d’idées modérées». Elle anime 36 sites Internet, des jeux vidéo en ligne et diffuse gratuitement par centaines de milliers d’exemplaires des bandes dessinées réalisées selon la cible et sa sensibilité au discours religieux pour mettre en garde contre le discours de l’État islamique», apprend-on. «Pour concevoir ces programmes, des dizaines de psychologues et d’ingénieurs ont réfléchi avec finesse à la déconstruction du mécanisme de la radicalisation», informe l’hebdomadaire.

«Même s’il ne faut pas crier victoire trop vite, nous observons une baisse de la radicalisation au Maroc depuis quelques mois. Avant la prison, de nombreuses équipes interviennent pour toucher les populations à risque. Ces spécialistes interviennent aussi dans le milieu carcéral pour amener les terroristes à réviser leur opinion sur le djihad», explique Khiame. Cela fonctionne. «Certains ont même été graciés après leur déradicalisation; aujourd’hui, ils sont quelques-uns à s’investir en politique et à s’adresser aux publics fragiles pour les sensibiliser», ajoute-t-il. Moralité: «en dépit des attaques continues du Front Polisario, soutenu par l’Algérie, le Maroc est un État stable, qui est parvenu à réformer son encadrement religieux et son système antiterroriste. Alors que la France se cherche encore sur ces sujets, ne devrait-elle pas s’en inspirer pour mieux soumettre la pratique de l’islam à ses lois?», s’interroge Valeurs actuelles.

Par Youssef Bellarbi
Le 16/06/2018 à 18h13