Le ton adopté par le Maroc à l’égard du légendaire «frère ennemi» algérien prend un accent inhabituellement musclé et direct, prenant à la fois de court les apparatchiks octogénaires toujours aux commandes du navire «Algérie», et les observateurs qui sont de plus en plus nombreux à se demander jusqu’où iront les autorités marocaines dans cette offensive diplomatique.
Ce changement de ton date précisément du 4 avril dernier, quand, lors d’une visite éclair à New York, le MAECI, Nasser Bourita, remet une lettre du roi Mohammed VI au SG de l’ONU, Antonio Guterres, dans laquelle le souverain établit «la responsabilité flagrante» de l’Algérie dans le conflit saharien. «C’est l’Algérie qui finance, c’est l’Algérie qui abrite, c’est l’Algérie qui arme, c’est l’Algérie qui soutient et qui apporte son soutien diplomatique au Polisario».
Le souverain a utilisé l’anaphore (répétition quatre fois du mot Algérie) pour mieux insister sur l’évidence de cette vérité: l’Algérie est le principal protagoniste du dossier du Sahara. Même si cela était bien connu, le Maroc n’avait jamais pointé du doigt et avec autant d’insistance le rôle déterminant de l’Algérie dans ce que l’on nomme "le conflit du Sahara occidental".
Le débat est depuis posé de manière plus crue et plus directe. Le conflit n’est pas tant avec le Polisario, marionnette des apparatchiks algériens ossifiés, mais plutôt avec Alger, qui tire les ficelles du front séparatiste, à des fins hégémoniques qui ne sont plus à démontrer.
Le Maroc semble las de ce jeu de dupes. Et c’est ce que montre la virulence des accusations contre le régime algérien. Les masques tombent et l’obstacle à toute issue du conflit est tout indiqué: Alger. Le mal gagne à être nommé, et le Maroc, «preuves irréfutables» à l'appui, n’hésite plus à montrer le vrai visage du régime voisin, impliqué jusqu’au bout des ongles dans la création et l’entretien d’un conflit plus que quarantenaire autour du Sahara.
Chronologie des actes d’accusation contre AlgerPremière épreuve du feu de cette nouvelle stratégie marocaine, et elle n’est pas des moindres: le 4 avril dernier, le MAECI, Nasser Bourita, remet au SG de l’ONU des images fraîchement prises par le satellite Mohammed VI attestant du «transfert de fonctions administratives» de la chimérique «RASD» dans la localité de Bir Lahlou. Un argument en béton de l’intention d’Alger de se débarrasser de ce boulet qu’est le Polisario, dans une zone marocaine évacuée par les FAR dans le seul but de préserver l’accord de cessez-le-feu.
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Le 11 avril. Un avion militaire algérien de transport s’est écrasé peu après son décollage près de la base aérienne de Boufarik, faisant 257 morts, dont des membres du Polisario. Le monde entier constate, preuves à l’appui, ce que l’on savait déjà: les éléments du Polisario et l’armée algérienne ne font qu’un. Cette connivence entre l’armée algérienne et le Polisario va plonger dans l’embarras les autorités algériennes et elle a valu bien des remontrances à celui qui a «parlé trop vite», le SG du FLN, Djamel Ould Abbes, en révélant la présence d’éléments du Polisario dans un avion militaire algérien. La presse algérienne l’a même stigmatisé pour avoir dévoilé un «secret-défense». Un secret de polichinelle surtout!
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Le 1er mai, alors que le monde entier avait les yeux rivés sur la fête des travailleurs, le MAECI Nasser Bourita affirme détenir des «preuves irréfutables» de l’implication iranienne dans le conflit saharien, via son bras armé le Hezbollah, avec la bénédiction d’Alger. L’ambassade de Téhéran à Alger, particulièrement un certain Amir Moussaoui, faux «attaché culturel», vraie barbouze de la Garde républicaine iranienne, a servi d’agent de liaison pour une livraison d’armes par le Hezbollah au front Polisario.
Une compromission d’une telle gravité qu’elle a décidé le Maroc à rompre ses relations diplomatiques avec la république des Mollahs iraniens, dont les visées sur l’Afrique du Nord, après le Moyen-Orient (Liban, Syrie, Yémen), sont désormais une réalité réelle. Et là encore, c’est Alger qui nourrit, soutient et fournit la logistique à cette tentative de déstabilisation ourdie par les Mollahs à l’encontre du Royaume du Maroc, via le front séparatiste du Polisario.
Mise à nu par le Maroc, Alger, très embarrassée face à la communauté internationale, a opéré une grossière fuite en avant en convoquant l’ambassadeur du Maroc, pour lui exprimer «le rejet catégorique» des accusations. La réponse du MAECI marocain tombe immédiatement après le démenti des autorités algériennes. Elle est incisive et monte d’un cran dans la persistance de l’accusation: «Le Maroc comprend l’embarras de l’Algérie, son besoin d’exprimer sa solidarité avec ses alliés du Hezbollah, de l’Iran et du Polisario, et sa tentative de nier son rôle occulte dans cette action contre la sécurité nationale du Royaume», précise le communiqué du MAECI marocain.
Samedi 12 mai. Dans une interview accordée à l’hebdomadaire «Jeune Afrique», le chef de la diplomatie marocaine a une nouvelle fois haussé le ton à l’encontre d’Alger, en mettant le doigt sur la plaie. «Aujourd’hui, le discours de l’Algérie sur la question du Sahara marocain a un côté autiste et obtus: reniement de la réalité extérieure et compulsion obsessionnelle à dire que le conflit du Sahara ne concerne que le Maroc et le Polisario», a en effet asséné Nasser Bourita. Le ministre a en outre affirmé que «le régime algérien, qui est confronté à une grave crise institutionnelle, politique, économique et sociale, n’a survécu jusque-là que grâce aux problèmes et tensions qu’il a lui-même générés ou qu’il a l’intention de créer, afin de détourner l’attention des Algériens de leurs véritables préoccupations».
Face à cette nouvelle offensive, Alger semble vouloir jouer la «désescalade», comme l’a souligné hier le porte-parole de son MAE, réitérant le rejet par son pays des accusations directes du MACEI marocain. Mais rien ne semble indiquer une désescalade du côté marocain.
Peut-on aller jusqu’à un conflit armé?Jusqu’où peut aller le Maroc? S’il est clair que la diplomatie marocaine ne s’embarasse plus de formes pour désigner le véritable acteur dans le conflit du Sahara, quelle suite peuvent avoir les accusations et jusqu’où peuvent conduire les preuves que détient le Maroc dans l’implication directe de l’Algérie?
Si cette situation de crise atteint son point culminant peut-elle dégénérer en conflit armé? L’hypothèse d’une confrontation armée entre le Maroc et l’Algérie est peu probable. Elle serait source de déstabilisation pour la région et de flux migratoires massifs en direction de l’Europe qui ne permettrait pas un confrontation armée à ses portes.
De plus, l’Algérie est dépendante à 95% de ses ressources en gaz et pétrole qui sont des cibles faciles pour paralyser le pays. L’armée algérienne a beau multiplier les fuites dans les chaînes de télévision d’équipements militaires High-tech qui permettent de constituer un bouclier de défense pour abattre des missiles, etc., les puits de gaz et de pétrole sont des cibles trop fragiles pour que le régime algérien s’aventure à les voir neutralisés. De plus, le dispositif de batteries anti-missiles dernier cri de l’armée algérienne est loin d’être infaillible. La preuve: l’un des supposés fleurons de cette armée, le système de défense aérienne Pantsir S1 (de fabrication russe), a été anéanti en Syrie lors d’une frappe israélienne. Le service de presse de l’armée israélienne a publié une vidéo montrant une frappe de missiles visant un système antiaérien Pantsir-S en Syrie (voir vidéo ci-bas).
Syrie: une frappe aérienne de Tsahel réduisant à néant un système antiaérien de fabrication russe, nommé Pantsir-S. Ce système, acquis aussi par Alger, est, comme le montre la vidéo, un échec retentissant!
Si l’on ajoute à cela que l’armée algérienne est inexpérimentée, qu’elle n’a jamais été confrontée à une autre armée, hormis dans le lointain conflit dit «guerre du sable» et que toutes les armes qu’elle a utilisées ciblaient uniquement les enfants de son pays, cette armée, pourtant dotée d’un budget annuel supérieur à 10 milliards de dollars, entretient très mal son matériel, comme le prouve le triste record mondial de crashs d’avions qu’elle détient.
Si l’option d’un conflit militaire n’est pas d’actualité, elle n’est pas non plus à écarter. Au Maroc, le Sahara est une affaire de vie ou de mort. Une affaire qui concerne tout le monde. Ce n’est pas un dossier qui intéresse seulement les dirigeant. Il est celui du peuple. Que l’on fasse partie du hirak, des manifestants de Jerada ou que l’on soit un fervent défenseur du boycottage de certains produits, quand il s’agit du Sahara, il y a consensus.
Cette unanimité sur la cause nationale fait cruellement défaut en Algérie. A part les octogénaires ossifiés (Bouteflika, Gaïd Salah, Ould Abbès ont tous plus de 80 ans) et les oligarques de l’armée, biberonnés à l’«idiologie stalino-castriste» dont il ne peuvent plus se sevrer, et qui paient la presse pour entretenir l’illusion d’un intérêt national pour le dossier du Sahara, le peuple algérien ne s’intéresse pas à ce sujet et ne consentira à aucun sacrifice pour une terre qui n’est pas la sienne. En cas de conflit armé, le soutien populaire, la motivation, la persévérance et le jusqu’au-boutisme feront cruellement défaut à l’armée du voisin de l’est.