«Si l’Algérie apparaît comme un pays plus riche que son voisin marocain, les disparités sociales y demeurent immenses». Cette phrase, extraite du rapport d’information de la commission des affaires européennes du Sénat français, tord le cou à la sempiternelle complainte ressassée par les apparatchiks algériens à chaque fois qu’il est question de drainer des investissements européens en Algérie. «Pourquoi le Maroc et pas nous?», ont coutume de pérorer les oligarques algériens, sans oser regarder la vérité en face. Et le moins que l’on puisse dire, est que cette vérité jetée par le Sénat français à la face du régime algérien grabataire est tout sauf rassurante.
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L’avertissement est à peine voilé. «Les turbulences politiques qu’a connues le pays à la fin des années quatre-vingt (émeutes du 5 octobre 1988), conduisant tout à la fois à l’effondrement du parti unique mais aussi, quelques années plus tard, à la guerre civile, étaient, en partie, liées à une chute des prix du baril. Les émeutes à Béjaïa (Kabylie, nord-est du pays) en janvier 2017 consécutives à une grève des commerçants contre une augmentation des taxes ainsi que dans les wilayas (équivalents de départements) de Bouira (sud-est d’Alger) et Boumerdas (est d’Alger) n’ont, cependant, pas eu de suite», relève le Sénat français.
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A cela, il y a trois raisons. D’abord, « une certaine réserve à l’égard du Printemps arabe », dont le régime algérien n’a cessé de souligner les risques en rappelant le souvenir de la guerre civile qui a frappé le pays dans les années quatre-vingt-dix», explique la chambre haute du Sénat français. «Les exemples libyens et syriens ou l’émergence du terrorisme au Sahel viennent étayer cette présentation d’un «Printemps arabe» synonyme de déliquescence des Etats», explique-t-elle encore.
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Il y a, ensuite, cette pratique rentière appliquée par le régime voisin pour s’assurer sa survie: l’achat de la paix sociale! «Par ailleurs, la richesse relative du pays via ses réserves énergétiques a longtemps permis au pouvoir en place de financer la paix sociale par l’intermédiaire d’une politique de soutien des prix des produits de grande consommation (lait, sucre et huile), relancée après les évènements de janvier et février 2011», relève le rapport du Sénat français. « Cette atonie est néanmoins remise en cause en raison de la baisse marquée des prix des hydrocarbures et donc des revenus de l’état algérien», prévient le rapport.
Autre critique formulée dans le rapport, le simulacre de « réformes » initiées par le président Bouteflika dans la foulée de l’onde de choc du « printemps arabe ». «L’Algérie n’a pas véritablement été concernée par le «Printemps arabe». Face aux manifestations de janvier et février 2011 contre l’augmentation des prix des denrées alimentaires (hausse des prix de l’huile et du sucre), le gouvernement avait néanmoins indiqué son intention de procéder à des réformes institutionnelles et décidé la levée de l’état d’urgence, en vigueur depuis 1992. Certes, six lois organiques ont bien été adoptées début 2012. La Commission européenne relevait toutefois en mars 2014 que les décrets d’application n’avaient toujours pas été adoptés », indique le Sénat français.
Il assène encore: «La réélection, avec 81,53% des voix, d’Abdelaziz Bouteflika, à la tête de l’Etat le 17 avril 2014- il est en poste depuis 1999- et la mise en place d’un nouveau gouvernement- où sont alors entrées sept femmes pour la plupart issues de la société civile- ont été l’occasion de réaffirmer la volonté de procéder à des réformes constitutionnelles, sans avancée tangible», charge le Sénat français.
Autre remarque croustillante, et elle n’est pas des moindre: la volonté du président Bouteflika de rempiler pour un cinquième mandat, alors qu’il a perdu toute capacité de motricité consécutivement à l’accident vasculaire cérébral diagnostiqué en 2013 à l’hôpital Val-de-Grâce, à Paris. Un état à l'image d'un pays défaillant qui "n'exporte in fine que de l'énergie"!, pointent les sénateurs français. Et pas vraiment à tort, quand on sait qu'en dehors des énergies fossiles (98% des exportations et 60% des recettes de l'Etat), l'Algérie ne produit rien. A part, - et c'est risible-, des slogans aussi creux que cette manie à vouloir se présenter comme étant "une puissance régionale"!