«Attention à ce qui se passe en Algérie! Ce grand pays, le plus grand d’Afrique et du monde arabe, est menacé d’effondrement, dans l’indifférence générale». L’alerte n’émane pas cette fois d’une quelconque «partie ennemie», elle n’est donc pas l’oeuvre d’un «complot extérieur», comme le régime de Bouteflika a tendance à le claironner à chaque mise en garde internationale contre le scénario de chute de ce régime rentier, grabataire et en rupture de ban. Non, l’avertissement provient de l’intérieur de l’Algérie, précisément de l’ancien ministre algérien au Trésor, Ali Benouari. Dans une tribune libre publiée sur le site algérien CNP News (Clair, Net et Précis), il détaille les uns après les autres les syndromes d’une faillite inévitable. «Cela ne se voit pas encore, mais tel un meuble mité, il (le pays) est rongé de l’intérieur», diagnostique-t-il, mettant le doigt à la plaie. L’Algérie est «mitée par une gestion désastreuse qui n’a jamais fait l’objet de la moindre autocritique, en cinq décennies de gestion populiste, nourries par la rente pétrolière», assène-t-il.
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A défaut de travail d’auto remise en question, il va donc incomber à d’autres de le faire à la place du régime. Ali Benouari, ancien argentier sous le gouvernement Ahmed Ghozali (91-92), en fait partie. Dans sa tribune libre, il va droit au but et pointe l’index vers le régime et précisément «l’artisan en chef du Système politique algérien à l’Indépendance», en l’occurence Abdelaziz Bouteflika, qui «a fini par l’incarner totalement à partir de 1991». «Son triomphe total aura été paradoxalement l’accélérateur de la débâcle d’un système qui a réussi à diviser les Algériens, détruit le rêve d’une union des peuples nord-africains et compromis la stabilité et l’avenir de la région», pointe Ali Benouari. Elevant la servilité au rang de critère absolu pour accéder aux hautes fonctions, au détriment de la méritocratie, «l’actuel pouvoir a poussé à l’exil des centaines de milliers de cadres et perdu une occasion unique de rattraper les retards accumulés dans tous les domaines», relève M. Benouari, lui-même amené à chercher une autre nationalité, en l’occurence la nationalité suisse, à défaut d’opportunités dans le cadre d’un régime incroyablement méprisant envers les compétences nationales algériennes. «Le refus obstiné (du régime) de voir l’Algérie telle qu’elle est, dans un monde qui a profondément évolué, l’a conduit à refuser d’introduire la moindre réforme à un système de gouvernance aussi inefficace que dangereux», relève-t-il encore. Avant de larguer cette bombe à fragmentation: «Il est quasiment certain qu’en 2019, au terme de son quatrième mandat, le pays sera passé à côté de quelque chose de géant: une manne de près de 1000 milliards de dollars engrangés en 20 ans, fruits de ressources non renouvelables. Qui aurait suffi à financer les besoins en développement de tout le continent africain»!
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Vous avez bien lu: une manne de 1000 milliards qui aurait suffi à financer les besoins en développement de tout le continent africain!
Circulez, rentrez, il n’y rien à voir. Cette manne «céleste» aura plutôt servi à "créer les conditions d’un chaos indescriptible, au lieu de servir à remettre (rien que) le pays sur les rails grâce à des réformes hardies que personne n’aurait pu contester» !, indique l’ancien Trésorier de l’Algérie, la mort dans l’âme. Pire encore, «les énormes besoins sociaux, dopés par la rente pétrolière et une démographie galopante (un accroissement de plus de 20 millions d’habitants au cours de la période 1999-2019) ne pourront plus être couverts par suite de la dissipation de la rente pétrolière», observe-t-il. Et d’enfoncer encore ce clou: «Le pays ne produit presque rien. Il survit grâce aux importations»! Rien donc hors des hydrocarbures (98% des exportations), alors que le reste, soit les 2% restants, sont aussi un don de la Nature, en l’occurence les minerais dont regorge l’Algérie!
Ce qui risque de se passer à l’horizon de 2019
L’ancien Trésorier de l’Algérie étaie ses prévisions par des arguments chiffrés. «Le déficit de la balance des paiements atteindra des sommets en 2019, de même que le chômage et l’inflation. Son ampleur exposera le pays à une crise de la dette analogue sinon plus grave que celle qui a résulté de la crise pétrolière de 1986-1987. Il tourne à 30 à 35 Milliards de dollars par an depuis trois ans», chiffre-t-il. «Le déficit budgétaire dépasse déjà 15% du PIB et restera au moins aussi important qu’aujourd’hui. Il ne peut plus être couvert par les recettes fiscales accumulées au titre du Fonds de régulation de recettes, qui sont déjà épuisées», prévient-il. Une prévision qui, qu’à Dieu ne plaise, entraînera des conséquences désastreuses. «Ce déficit empêchera, s’il n’était résorbé d’une manière ou d’une autre, de payer les fonctionnaires, d’assurer les services publics et maintenir les subventions aux catégories sociales les plus vulnérables». «En 2019, ces déficits ramèneront les avoirs extérieurs du pays à zéro. Ce scénario n’a rien d’exagéré, le pays l’ayant déjà vécu».
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Il en ressort qu’à l’issue du quatrième mandat du président Bouteflika, l’Etat algérien, ou ce qu’il en reste, n’aura même pas de quoi payer les salaires de ses fonctionnaires, à plus forte raison «acheter la paix sociale» via la subvention tout azimut des besoins de la majorité des citoyens habitués à la rente.
Une éventualité qui risque de sonner le glas définitivement du régime algérien, qui ne doit sa «survie» qu’à l’ «achat de cette paix sociale». Le spectre du début des années 90 et donc de la guerre civile, avec son long cortège funèbre (250. 000 morts), risque ainsi de se reproduire. «A mon arrivée au gouvernement en 1992, les caisses étaient vides et la banque centrale ne pouvait plus dénouer les opérations de swaps sur or (c’est-à-dire racheter l’or vendu au comptant) effectuées l’année précédente. Il manquait, pour ce faire, 1,5 milliards de dollars. Autant dire que les réserves de changes étaient négatives!», rappelle Ali Benouari. «Cette situation nous avait conduits à mobiliser tout l’appareil de l’Etat dans une gigantesque opération de mendicité internationale dont les seuls résultats étaient de nous maintenir dans le même état de précarité financière mais avec des abandons progressifs de souveraineté et un enlisement progressif du pays dans la guerre civile».
Voilà, le mot est lâché: la «guerre civile» risque de se reproduire au bout du quatrième mandat de Bouteflika. Autant que le spectre d’un «rééchelonnement en bonne et due forme qui fût décidé en 1994, permettant de reporter sur 15 ans les échéances de la dette qui absorbaient la quasi-totalité de nos recettes extérieures». «Le risque est donc sérieux de se retrouver de nouveau dans la situation de ne pas pouvoir couvrir les besoins du pays en nourriture, biens d’équipements et matières premières pour maintenir l’économie en état de fonctionnement minimal», prévient encore Ali Benouari. Une prévision confirmée par les rapports internationaux mais que le régime de Bouteflika, qui fait de la fuite en avant une "politique d'Etat"!, ne veut pas regarder en face.