Un cortège monstre défile dans le centre d'Alger pour un 8e vendredi consécutif de contestation, le premier depuis l'entrée en fonctions du président par intérim et l'annonce d'une présidentielle le 4 juillet pour désigner un successeur à Abdelaziz Bouteflika.
Le nombre exact de manifestants est difficile à établir, ni les autorités ni les protestataires ne communiquant de chiffres, mais en début d'après-midi une foule dense emplit les rues du centre de la capitale, au moins aussi importante que celle des vendredis précédents, dont les mobilisations étaient déjà jugées exceptionnelles.
Sur les réseaux sociaux, où est née la contestation qui a abouti à la démission le 2 avril d'Abdelaziz Bouteflika, les appels à manifester ont repris ces derniers jours pour la 8e semaine consécutive, notamment sous le mot-dièse "Ils partiront tous".
Deux heures avant le coup d'envoi prévu du cortège, plusieurs milliers de personnes sont déjà rassemblées au coeur d'Alger. L'ampleur de la mobilisation sera jaugée attentivement par chacun des deux camps, qui maintiennent leurs positions.
Le pouvoir entend poursuivre le processus prévu par la Constitution: l'élection d'un nouveau président sous 90 jours. Manifestants et société civile réclament eux la mise en place d'institutions ad hoc, en vue d'une véritable transition post-Bouteflika.
Sera également scrutée, l'attitude de la police qui a semblé moins tolérante ces derniers jours à l'égard des rassemblements dans la capitale.
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Vendredi, pour la première fois, en 8 semaines de défilés hebdomadaires dans la capitale, des policiers en tenue anti-émeutes ont limité, durant plusieurs heures de la matinée, l'accès au parvis de la Grande Poste, épicentre de la contestation dans le centre d'Alger, avant de finalement libérer l'accè.
Mais plusieurs centaines de manifestants les ont devancés en s'installant dès l'aube sur les escaliers de ce bâtiment néo mauresque emblématique du coeur de la capitale, venus pour certains d'autres villes après de longues heures de route, ralentis par de nombreux barrages filtrants de la gendarmerie.
Une tentative de la police, sans force excessive, de les évacuer en fin de matinée a échoué, les policiers en sous nombre se retrouvant encerclés par les manifestants qui criaient "Silmiya, Silmiya" ("pacifique, pacifique", en arabe) et les appelaient à les rejoindre.
Les manifestants ont ouvert un passage pour leur permettre de rebrousser chemin, sans incident.
Rejetée par la contestation, la présidentielle, devant élire un successeur à Bouteflika, a été fixée au 4 juillet par le chef de l'Etat par intérim, Abdelkader Bensalah, 77 ans, figure de l'appareil mis en place par le président déchu.
"C'est clair que les élections seront truquées avec eux" (les anciens partisans de Bouteflika), lance Hamid Bouchnab 24 ans étudiant à Jijel: "Nous n'avons pas confiance, alors nous refusons" qu'ils gèrent l'après-Bouteflika, "nous refusons Bensalah. Nous l'avons dit et nous le redirons jusqu'à ce qu'il comprenne".
Désigné par la Constitution pour assurer l'intérim, Bensalah est devenu la cible des slogans qui visaient initialement Bouteflika, président malade dont il était ces dernières années la "doublure" officielle, en Algérie et à l'étranger.
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Louisa Dris-Aït Hamadouche, enseignante en Sciences politiques à l'Université d'Alger 3, s'attend à une manifestation "probablement intense et massive". "Le soulèvement populaire a déjà donné sa réponse à l'intronisation de Bensalah" comme chef de l'Etat par intérim le 9 avril, poursuit-elle.
"L'élection du 4 juillet est rejetée par le peuple qui refuse également la nomination de Bensalah", renchérit Mahrez Bouich, professeur de philosophie à l'université de Bejaia (250 km à l'est d'Alger).
Pour les protestataires, cette présidentielle organisée en trois mois ne peut être libre et équitable car elle serait organisée par des institutions et personnalités héritées des 20 ans de pouvoir de Bouteflika, marqués par des scrutins frauduleux selon l'opposition.
Bensalah a reçu le soutien implicite de l'armée, revenue au centre du jeu politique depuis que son chef d'état-major, le général Ahmed Gaïd Salah, a lâché Bouteflika rendant inéluctable sa démission.
Le général Gaïd Salah a estimé "irraisonnable" une transition hors du cadre institutionnel actuel, et promis aux manifestants que l'armée garantirait "la transparence et l'intégrité" du scrutin.