Algérie. Saïd Sadi: comment la guerre des clans risque de torpiller tout un pays

Au milieu, Saïd Sadi.

Au milieu, Saïd Sadi. . DR

Ancien chef de parti algérien, militant associatif et homme de lettres, Saïd Sadi alerte, dans un post Facebook, sur les «graves périls» que les antagonismes entre le clan Bouteflika et celui du chef de l’armée font peser sur le pays. Et il a bien raison. Extraits.

Le 01/04/2019 à 13h50

Il est médecin psychiatre, militant pour la réhabilitation de l’identité amazighe et des droits de l’homme. Saïd Sadi est aussi, et surtout, un politique, ayant fondé et dirigé le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), un parti politique algérien. Deux fois candidat à la présidentielle dans son pays et autant de fois député, il sait donc de quoi il parle et connaît bien les rouages du pouvoir en Algérie.

C’est le même Sadi qui pousse un véritable coup de gueule aujourd’hui contre les «graves périls» que les antagonismes entre le clan du président Abdelaziz Bouteflika et celui du chef de l’armée, le chef d’état-major Ahmed Gaïd Salah, font peser sur le pays. Une rivalité qui a éclaté au grand jour au fil des six dernières semaines de manifestations des Algériens contre le régime.

Dans un post publié hier, dimanche 31 mars sur Facebook, l’homme politique n’y va pas de main morte. «Les tensions latentes qui opposaient les deux principaux clans du sérail s’exacerbent. Ces antagonismes, aux antipodes des scènes de ferveur populaire et de dignité citoyenne, vécues dans la liesse collective chaque semaine, font peser sur le pays de graves périls s’ils venaient à masquer ou, pire, à s’imposer devant l’aspiration à la libération nationale qui s’est révélée depuis le 22 février», écrit-il d’emblée.

Pour Saïd Sadi, le destin des Algériens ne saurait être otage ni d’un clan familial «qui a saigné le pays» ni d’une oligarchie militaire. «Celle-ci a d’ailleurs longtemps hésité avant de tenter un positionnement encore équivoque par rapport à des revendications populaires clairement et massivement exprimées en faveur d’une rupture radicale avec un système politiquement illégitime, économiquement prédateur et moralement dégradant», remarque-t-il si justement.

Relevant l’anachronisme de la véritable guerre des clans récemment née, il observe que ce n’est pas à la rue algérienne, aujourd’hui en ébullition, de s’adapter à ces rapports de force claniques. «Ces manifestations attendent, maintenant, d’être traduites dans des cadres institutionnels conformes à ses besoins et qui ne peuvent relever de puérils et pathétiques bricolages gouvernementaux.

Le logiciel sociétal a définitivement changé. Et cette mutation majeure et inédite n’est toujours pas enregistrée par ceux qui contrôlent encore les divers centres de décision. Le citoyen n’attend ni sauveur ni tuteur», constate Sadi.

Pour lui, toute entreprise contraignant ou bloquant la mobilisation en cours est une dangereuse manœuvre de restauration d’un régime anachronique «honni», quelles que soient ses concessions.

«L’Histoire est en marche. Elle a un moteur: une inébranlable volonté citoyenne; elle a une méthodologie: la transparence démocratique; elle a un objectif: le pouvoir du peuple souverain…Il n’y a pas d’autres choix que de s’y conformer pendant qu’il en est encore temps», dit Sadi. Et il a vraiment tout dit.

Par Youssef Bellarbi
Le 01/04/2019 à 13h50