Alors qu’il s’obstine dans sa volonté de se maintenir au pouvoir, alors même que la contestation populaire est à son apogée, notamment en initiant hier dimanche des consultations pour former un nouveau gouvernement dans le cadre d’un quatrième mandat bis, le clan Bouteflika doit désormais faire face à un autre front de «résistance». Celui-ci n’est autre que son propre FLN (Front de libération nationale) de parti.
Ils sont ainsi 72 mouhafedhs (responsables du FLN à l’échelle des régions), sur un total de 120 que compte le pays, à apporter leur appui aux manifestations populaires contre Bouteflika. Dans une déclaration publiée hier, dimanche 17 mars, ces dignitaires n’y vont pas par quatre chemins. «Nous, mouhafedhs du Front de libération nationale (FLN), réunis, ce dimanche à 10 heures au siège de la mouhafadha de Lakhdaria, dans la wilaya de Bouira, saluons le mouvement de contestation populaire dont nous soutenons toutes les revendications légitimes et nous nous démarquons de toutes les déclarations émanant du président de l’instance illégitime du parti», lit-on.
«Nous saluons vivement l’éveil de conscience des masses populaires, ainsi que le sens de [la] responsabilité et le comportement civilisé qui expriment en toute sincérité les aspirations du peuple algérien à construire un Etat démocratique et moderne, pétri de justice et de liberté», ajoutent les signataires.
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Le message est donc on ne peut plus clair. Et les mouhafedhs en question entendent bien joindre leurs actes aux paroles. Ceci, en sommant Mouad Bouchareb, le coordinateur de l’actuelle direction, trop proche du clan Bouteflika, de «dégager».
«Nous rejetons, globalement et dans le détail, toute décision ou instruction émanant de l’instance de la direction illégitime du parti», affirment-ils, appelant à de nouvelles élections.
Les mouhafedhs, et donc le FLN, sont loin d’être les seuls à se dresser contre le maintien au pouvoir du régime Bouteflika. L’armée, incarnée par son chef d’Etat-Major, le général de corps d’armée et vice-ministre de la Défense nationale, Ahmed Gaïd Salah, est quant à lui revenu de ses menaces des premiers jours des manifestations.
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Aujourd’hui, "le peuple et l’armée partagent la même vision sur l’avenir du pays", comme l’avait déclaré, dimanche 10 mars, Ahmed Gaïd Salah lui-même.
Autre composante influente du pouvoir, les Moujahidines. Dès les premiers jours des manifestations, l'Organisation nationale des Enfants de Chouhadas, l’Organisation nationale des Moujahidines, l'association des anciens du MALG (service de renseignement de l'Armée Nationale de Libération durant la guerre d'indépendance), toutes autrefois acquises à Bouteflika, ont annoncé le retrait de leur soutien et dénoncé les manœuvres pour "perpétuer un système qui a atteint des limites et risque de mener le pays aux plus graves périls".
A ceux-là s’ajoutent plusieurs branches locales ou syndicats affiliés à l'UGTA (Union générale des travailleurs algériens), lesquels se démarquent du patron de cette centrale syndicale, Abdelmadjid Sidi-Saïd, soutien indéfectible du chef de l'Etat. Des démissions ont été également annoncées au sein du Forum des chefs d'entreprise, cette organisation patronale étant dirigée par Ali Haddad, très proche de Saïd Bouteflika.
Ajoutez à cela les corporations des médecins, des magistrats, des avocats, des journalistes, des enseignants, ainsi que les étudiants qui se mobilisent dans la rue comme sur les réseaux sociaux, et vous avez là toutes les composantes d’un pays qui crie son ras-le-bol, dans son ensemble.
Le clan Bouteflika entendra-t-il raison pour autant? Rien n’est moins sûr. Et c’est le scénario du pire qui se profile dorénavant à l’horizon.