22 jours après la nomination de Mohamed Benchaâboun à la tête du ministère des Finances, la vacance de pouvoir au sein de la plus forte institution bancaire de la place continue d’alimenter les rumeurs. Surtout que plusieurs versions circulent autour du processus de nomination du nouveau président de la Banque centrale populaire.
Si l’on se fie à la Loi organique adoptée en conseil des ministres, le 7 février 2012, la BCP figure bel et bien sur la liste des 37 établissements et entreprises publics stratégiques dont les responsables sont nommés par le roi. En vertu de ce dispositif inspiré de l’article 49 de la constitution, la nomination du PDG de la BCP se fait sur proposition du chef de gouvernement et à l’initiative des ministres concernés. Dans le cas précis de la BCP, c’est bien Mohamed Benchaâboun, président sortant de cette banque et fraîchement nommé ministre des Finances, qui devrait proposer le nom de celui qui va lui succéder.
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Ce mode de nomination via le Conseil des ministres se trouve cependant confronté à la nouvelle configuration capitalistique de la BCP qui, depuis le retrait définitif du Trésor de son capital au profit des Banques Populaires Régionales (BPR), a perdu ipso facto son statut d’établissement ou d’entreprise publique.
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Désormais, l’Etat ne détient pas plus qu’une seule action symbolique, après avoir cédé la totalité de ses parts dans le tour de table de la BCP. Son retrait s’est fait en plusieurs étapes, dont les deux dernières remontent au 26 septembre 2012 (cession de 10% du capital) et au 17 avril 2014 (6%).
Début février 2008, le jour où Mohamed Benchaâboun a été nommé par le roi à la tête de la BCP, l’Etat conservait encore une minorité de blocage, en détenant 36% du capital. Dix ans plus tard, le nom de la BCP ne fait pas partie des 253 entités citées dans le dernier rapport accompagnant la loi de finances 2018, consacré aux Entreprises et établissements publics.
Autre signal marquant le retrait de l’Etat du capital et des instances de gouvernance de la BCP: mis à part Mostafa Terrab qui préside aux destinées d’une entreprise publique, en l’occurrence l’OCP, aucune personnalité représentant les intérêts de l’Etat ne se trouve parmi les membres du Conseil d’administration de la banque. La présence de Terrab dans ce Conseil l'est à titre purement individuel.
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Lié par un accord de participations croisées avec la BCP depuis 2009, l’OCP a vu lui aussi ses parts dans le capital de la banque se réduire, passant de plus de 5% en 2009 à 4,21% en 2014, puis à 1,32% en 2015, avant de quitter l’actionnariat de la BCP à compter de 2016. Cela n’a pas empêché le Conseil de coopter à nouveau Mostafa Terrab lors de l’assemblée de juin 2017. Son mandat d’administrateur expire en 2022.
De son côté, le (la) directeur (rice) du Trésor ne fait plus partie des membres du Conseil d’administration. Idem pour le commissaire du gouvernement dont les prérogatives, notamment le droit de veto sur les décisions prises par l’ensemble des organes de gouvernance, ont été transférées au Comité directeur du Crédit Populaire du Maroc (CPM), conséquence directe de la sortie de l’Etat du capital de la banque.
Face à cet état de fait qui remet en question le statut d’entreprise publique, le mode de désignation du futur patron de la banque devient ambigu. Pour certains, la BCP étant régie par la loi sur les sociétés anonymes, la nomination de son Président devrait émaner de ses propres instances de gouvernance (assemblée générale, conseil d’administration). C’est ce qu’on retrouve d’ailleurs dans la note d’information accompagnant la sortie de la banque sur le marché obligataire en décembre 2017: «Le Conseil d’Administration a notamment les pouvoirs suivants, lesquels sont énonciatifs et non limitatifs: Il nomme, révoque et fixe la rémunération du Président, du Secrétaire du Conseil et du ou des Directeurs Généraux Délégués».
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Le scénario d’une nomination à travers le Conseil d’administration ne tient pas la route face au caractère singulier et aux spécificités de l’organisation de la BCP et qui la distinguent de toutes les autres banques de la place. «Il faut mettre à l’esprit que la BCP est l’organe central qui fait office de chef d’orchestre au sein d’un grand ensemble appelé «CPM» lequel couvre également les Banques populaires régionales. Nommer le Président de la BCP, c’est aussi nommer le numéro un du CPM qui englobe à la fois les BPR, la BCP et ses 34 filiales», souligne Mehdi El Fakir, expert comptable et commissaire aux comptes. Mieux, insiste-t-il, les BPR, qui contrôlent la majorité du capital de la BCP, de par leur statut de coopératives, se trouvent toujours sous la tutelle de l’Etat. Ce qui, in fine, rend plus probable une nomination royale à travers le Conseil des ministres du futur patron du Groupe Banque Populaire.
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Reste enfin une question cruciale. Qui présidera la prochaine réunion du Conseil d’administration? Faute de nomination d’un nouveau patron, la balle est désormais entre les mains des membres dudit Conseil qui seront amenés à arrêter les comptes trimestriels et éventuellement statuer sur les dossiers à caractère urgent, notamment le montant de l’offre financière à proposer pour le rachat de la banque tunisienne Zitouna. Ce sera l’occasion également de mettre fin à l’attentisme qui prévaut dans les différentes instances de la banque depuis le départ de Benchaaboun.