Formation par apprentissage: «Tadaroj» mise sur l’engagement du secteur privé

Younes Sekkouri, ministre de l'Inclusion Economique, de la Petite Entreprise, de l'Emploi et des Compétences.

À Casablanca, la CGEM et le ministre Younes Sekkouri ont discuté des mesures à mettre en œuvre pour dynamiser le programme de formation par apprentissage «Tadaroj». Les deux parties veulent désormais passer à une phase d’exécution plus rapide, fondée sur une implication effective des entreprises.

Le 22/11/2025 à 11h49

La Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) a accueilli, vendredi 21 novembre 2025, Younes Sekkouri, ministre de l’Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences pour une réunion consacrée au programme national de formation par apprentissage, «Tadaroj». Cette séance de travail, tenue au siège de la Confédération à Casablanca, s’inscrit dans la volonté de renforcer l’implication du secteur privé dans la formation des jeunes.

L’objectif de cette rencontre était double: présenter les orientations nationales en matière d’apprentissage et mettre en lumière les opportunités qu’offre ce dispositif pour les entreprises. Les échanges ont également permis de revenir sur les défis auxquels sont confrontés les différents secteurs en termes de montée en compétences. Pour la CGEM, la généralisation de l’apprentissage représente une réponse essentielle aux pénuries de compétences constatées dans plusieurs métiers.

Dans son mot d’ouverture, le président de la CGEM, Chakib Alj, a insisté sur le rôle central que joue l’apprentissage dans la préparation d’une main-d’œuvre «opérationnelle, employable et compétitive». Selon lui, la formation en entreprise permet une adéquation quasi automatique entre les compétences acquises par les jeunes et les besoins du marché, un avantage qu’il juge indispensable à généraliser.

Des chiffres préoccupants sur la formation

Le patron des patrons a rappelé les difficultés rencontrées par les TPME, qui représentent plus de 95% du tissu économique national. Sans accompagnement renforcé, sans visibilité claire et sans mécanismes incitatifs adaptés, elles ne peuvent absorber la demande croissante en apprentissage. À cela s’ajoutent la méconnaissance des dispositifs, la rigidité des modèles de formation et l’insuffisance des partenariats existants.

Chakib Alj a cité des chiffres préoccupants: entre 2020 et 2024, la formation en milieu professionnel a reculé de 26%, l’alternance de 30% et l’apprentissage de 16%. Une tendance que la nouvelle dynamique lancée par le gouvernement, notamment avec Tadaroj, ambitionne d’inverser.

Le président de la CGEM a salué l’objectif du programme: former 100.000 stagiaires par an d’ici 2026 grâce à la généralisation de la formation par apprentissage. Chakib Alj a également souligné la nécessité d’élargir le champ des formations, de développer les centres associatifs plurisectoriels, de renforcer les partenariats sectoriels et d’étendre l’apprentissage à l’enseignement supérieur, un domaine qui connaît déjà des expérimentations prometteuses mais encore dépourvues de reconnaissance officielle.

Enfin, il a appelé à une refonte du cadre juridique régissant l’apprentissage, préconisant la fusion des lois 12.00 et 36.96. En fait, pour la CGEM, la coexistence de deux lois différentes complique la lisibilité du système et freine son adaptation aux spécificités des métiers. Une réglementation unique et flexible permettrait d’ajuster les durées de formation et les répartitions entre centre et entreprise selon les besoins.

En matière de financement, la CGEM salue la revalorisation des subventions à 5.000 dirhams par stagiaire, l’augmentation des indemnités accordées aux formateurs (300 DH par jeune) et la subvention pouvant atteindre 25% pour l’équipement. Ces mesures constituent, selon Chakib Alj, un signal fort en faveur des TPME qui souhaitent accueillir des apprentis.

Le président a également rappelé que l’apprentissage doit s’intégrer dans une vision plus globale de modernisation du marché du travail. La réforme du Code du travail et la refonte de la formation professionnelle continue font ainsi partie des chantiers prioritaires partagés entre la CGEM, le gouvernement et les syndicats. L’ensemble de ces mesures vise à renforcer la compétitivité du pays en créant un écosystème solide, cohérent et efficace autour de l’apprentissage.

Tadaroj, un programme ambitieux

Après l’intervention du président de la CGEM, Younes Sekkouri et son équipe ont présenté les détails du programme Tadaroj. Lancé officiellement le 27 octobre 2025, ce programme vise à généraliser l’apprentissage en milieu professionnel dans divers secteurs clés de production et de services.

Tadaroj prévoit la formation de 100.000 stagiaires par an d’ici 2026 et s’appuie sur des partenariats forts entre l’État, les chambres professionnelles, les instituts en gestion déléguées et les fédérations sectorielles. Dans le secteur de l’artisanat, 12 chambres régionales et quatre associations ont déjà signé des conventions exécutives afin d’élargir l’offre de formation dans les métiers traditionnels.

Le ministre a expliqué que le programme répond aux orientations royales visant à placer la jeunesse au centre de la transformation économique du Royaume. Une analyse des données du marché du travail montre en effet que deux tiers des chômeurs ne sont pas diplômés et que seuls 25.000 jeunes bénéficient actuellement de la formation professionnelle par apprentissage.

Pour y remédier, Tadaroj propose un large éventail de 200 métiers, dont 80 dans l’artisanat. L’objectif est de développer une offre de formation flexible, adaptée aux besoins des territoires et permettant une insertion professionnelle rapide.

Le ministre a également noté l’augmentation du soutien financier aux centres de formation par apprentissage, désormais porté à 5.000 DH par stagiaire, en plus de l’augmentation des indemnités des formateurs.

La gouvernance du programme Tadaroj, telle que présentée aux membres de la CGEM, repose sur trois niveaux: un comité stratégique présidé par le ministre, des comités de pilotage chargés de suivre les contrats-programmes et des comités régionaux chargés de l’exécution sur le terrain. Cette architecture vise à assurer une mise en œuvre efficace, coordonnée et suivie dans toutes les régions.

Les engagements annuels prévus par les contrats-programmes sont déjà fixés: 30.000 stagiaires dans l’artisanat, 15.000 en agriculture, 8.000 dans le domaine de la solidarité, 4.200 dans la jeunesse et 2.000 dans la pêche maritime. Par ailleurs, il a été révélé que 56 centres de formation interentreprises (CFA-IE) sont déjà opérationnels, accueillant plus de 10.000 apprentis.

Ce dispositif permet aux entreprises de créer leurs propres centres de formation ou de mutualiser leurs ressources afin de répondre à leurs besoins en compétences. Les CFA-IE visent à structurer les recrutements, améliorer l’adéquation entre formation et emploi et renforcer la compétitivité des entreprises, tout en facilitant l’insertion des jeunes.

S’adressant aux membres de la CGEM, le ministre Younes Sekkouri les a invités à identifier les nouveaux métiers à intégrer aux 200 déjà existants et à mobiliser rapidement les entreprises intéressées par la création de CFA-IE. Il a demandé que la liste des entreprises volontaires soit prête dans un délai maximal d’un mois, assurant que lui et son équipe sont disposés à revenir à la CGEM dès que ce travail sera finalisé.

Par Lahcen Oudoud
Le 22/11/2025 à 11h49