Les marges de manœuvre budgétaires étant ce qu’elles sont, le gouvernement cherche par tous les moyens à mobiliser de nouvelles ressources pour équilibrer un tant soit peu son budget: privatisations, taxe de solidarité, etc. Encore une fois, le secteur des tabacs sera sollicité pour drainer des ressources budgétaires additionnelles.
Dans son projet de loi de finances 2019, le gouvernement El Otmani a opéré une modification des quotités applicables aux marchandises et ouvrages soumis à la Taxe intérieure de consommation (TIC), notamment celles relatives au secteur des tabacs.
Ainsi il a été décidé de relever le minimum de perception de 567 dirhams pour 1000 cigarettes à 630 dirhams pour 1000 cigarettes (ces montants concernent spécifiquement les marques à moindres prix, comme Marquise, entre autres). S’agissant des marques Premium, le taux de perception au titre de la TIC devrait passer de 53,6% à 58%.
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Le relèvement du niveau de pression fiscale devrait naturellement se traduire par une augmentation des tarifs de vente aux consommateurs. Selon les estimations des opérateurs de tabac, les prix vont grimper:
- de 33 à 40 dirhams pour les marques Premium (Marlboro & Winston), soit une hausse de 21%.- de 20,5 dirhams à 25 dirhams pour les marques à moindres prix (Marquise, par exemple), soit une hausse de 20%.
Ces mesures devraient générer une recette fiscale supplémentaire de l’ordre de 1,2 milliard de dirhams, selon les projections du gouvernement.
Comme on pouvait s’y attendre, les opérateurs de tabac (trois importateurs et un producteur local) jugent infondée cette nouvelle augmentation de la pression fiscale.
«Les fondamentaux du PLF n’ont pas vraiment été étudiés ou analysés sur ce point précisément», estime un membre de la Task Force constituée pour défendre les intérêts des investisseurs dans le secteur des tabacs, aussi bien nationaux qu’étrangers. Selon lui, le relèvement de la TIC aura pour impact une augmentation considérable des cigarettes de contrebande, provenant pour l’essentiel de Mauritanie, là où le paquet de cigarettes de marque premium est proposé à seulement 1 dollar. L’exemple du marché turc est à ce titre édifiant, dans la mesure où l’augmentation des taxes s’est traduite par une hausse des volumes de la contrebande de 40%.
Face au renchérissement attendu du prix des cigarettes, les entreprises de tabacs mettent en garde contre un autre risque, également dans l'informel: celui de la prolifération du phénomène de la vente à l’unité, ce qui à leurs yeux stimulerait encore plus les affaires informelles, d’autant plus que les vendeurs de cigarettes au détail, argumentent-ils, ne respectent aucune norme d'hygiène, ce qui constitue un danger réel pour la santé du consommateur (ce qui n’empêche nullement, par ailleurs, de signaler le caractère globalement nocif de la cigarette pour la santé).
Ne se montrant aucunement contre l’idée gouvernementale de mobiliser de nouvelles ressources budgétaires à travers la TIC sur les tabacs, les membres de la Task Force ont finalement réussi à obtenir l’écoute de plusieurs groupes parlementaires. Un projet d’amendement devrait être examiné lors des discussions en cours sur le PLF 2019 au sein de la Chambre des conseillers.
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Ce projet d’amendement, dont Le360 détient une copie, propose une augmentation progressive de la TIC sur une période de cinq ans. La formule s’appuie sur un minimum de perception de 645 dirhams par 1000 cigarettes, couplé à un taux limité à 55% lors de la première année (2019) lequel augmentera de 1% chaque année jusqu’à atteindre 58% en 2023. Selon ce scénario préconisé par les opérateurs, les prix augmenteraient de seulement 2 dirhams pour toutes les marques, au lieu de 7 dirhams comme actuellement préconisé pour celles «Premium» et 4 dirhams pour celles à moindre prix.
Côté recettes, la formule proposée table sur un additionnel de 1,3 milliard de dirhams dès 2019, ce qui porte le montant total des entrées fiscales au titre de la TIC sur les tabacs à 12 milliards de dirhams en 2019, avant d’atteindre 15 milliards de dirhams à l’horizon 2023. Pour les membres de la Task Force, ce système d’augmentation progressive des prix serait «la solution gagnant-gagnant, idéale pour toutes les parties prenantes: gouvernement, importateurs, distributeurs, détaillants et consommateur».