C’est l’une des rares études s’intéressant aux répercussions économiques et sociales de la crise sanitaire au Maroc. Fruit d’un travail collectif associant des chercheurs affiliés à l’Equipe de recherche en économétrie appliquée (ERECA), relevant de la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de l’Université Hassan II de Casablanca, l’étude a pour objectif de nourrir la réflexion sur l’évaluation des effets de la crise sanitaire et des possibles conditions d’en sortir avec le moindre mal.
Le rapport se déploie sur trois chapitres dont le premier tente d’aborder les conséquences des mesures préventives imposées par les autorités, en vue de proposer des outils à même de cibler les groupes potentiellement les plus vulnérables en cas de résurgence de l’épidémie. Ainsi, l’étude propose un indice synthétique mesurant la vulnérabilité socioéconomique des ménages marocains face au Covid-19. Cet indice montre ainsi que le milieu urbain est plus vulnérable que le milieu rural. D’ailleurs, les régions caractérisées par une forte proportion d’actifs occupés se positionnent en tête de liste des régions les plus vulnérables face au virus. «L’analyse que nous avons menée, par la suite, sur les clusters industriels, en prenant comme exemple le cas de la région Casablanca-Settat, confirme ces résultats et montre qu’une part importante des cas contaminés (directs et indirects) dans cette région (68%) provient des milieux professionnels», souligne l’étude. Cela a permis de mettre en évidence la précarité de l’emploi apparue dans certains milieux professionnels et induite par le non-respect des mesures sanitaires et de la distanciation physique, qui donne naissance à des clusters.
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L’étude consacre ensuite tout un chapitre aux répercussions macroéconomiques et sectorielles des mesures de prévention du Covid-19, en abordant tant l’offre de biens que leur demande. «Les résultats sur l’offre indiquent que les secteurs les plus touchés sont ceux de l’industrie du textile et du cuir, de la mécanique et de la métallurgie, de l’électrique et électronique ainsi que la restauration et l’hôtellerie. Les secteurs les plus touchés du fait de la baisse de la demande sont ceux de l’énergie et du commerce, via les importations», constate l’étude.
Les estimations calculées par les auteurs, selon le scénario retenu, indiquent une perte de PIB pour 2020 comprise entre -5% (scénario optimiste), -7,3% (scénario de base) et -9,6% (scénario pessimiste) par rapport à une situation normale, hors crise sanitaire.
Les simulations montrent que les secteurs de l’immobilier, de l’hôtellerie-restauration et de la construction sont ceux qui subissent le choc de plein fouet. Le choc sur l’emploi est important et correspond au doublement du taux de chômage national actuel (pour un taux d’activité inchangé). Les branches les plus touchées sont celles de l’agriculture (- 416.000 emplois) qui emploie un nombre important de saisonniers, de l’industrie du textile-cuir (- 204.000 emplois) et du commerce (-165.000 emplois).
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Enfin, dans un chapitre à part, le rapport soulève la question de l’impact économique de la crise du Covid-19 sur les ménages, en se demandant si les mesures financières ciblées (personnes exerçant dans les secteurs privés formel et informel), prises par les autorités, ont permis d’en atténuer le choc potentiel.
Selon l’étude, le nombre de bénéficiaires (théoriques) des mesures gouvernementales représente plus de la moitié des ménages marocains, soit 58%. Les résultats montrent que les actifs hommes et les ruraux sont plus exposés que les femmes ou les actifs urbains au risque de perte de revenu dû au confinement .
Autre enseignement retenu par les auteurs de cette étude: les mesures prises suite à la crise sanitaire et aux dispositions de confinement ont conduit à une relative atténuation de la dégradation des niveaux de vie des classes aisées, mais pas à une réduction des inégalités. Les résultats des simulations menées dans ce sens ont montré que, durant le confinement, le taux de pauvreté est passé de 3,33% à 34,8% (scénario pessimiste) et 29,4% (scénario optimiste). Ce taux enregistre des valeurs de 27,6% (scénario pessimiste) et 21,7% (scénario optimiste) après l’octroi des aides. «Les simulations indiquent que cette période a connu une accélération des inégalités», relève le rapport de l’ERECA.
- rapport_covid_ereca.pdf